Cadre de vie
À partir d’un ouvrage, publié en 1969, intitulé “L’art présent dans la cité” l’artiste Hervé Beurel repart sur la trace d’une série d’oeuvres de la commande publique imaginées dans le contexte des villes nouvelles des années 60.
Ce projet a fait l’objet d’une première présentation à I’Entre deux - Nantes sous l’intitulé Récolement ; l’exposition Cadre de vie en est une reformulation.
Cadre de vie, le projet d’Hervé Beurel proposé au Phakt, ressort d’une enquête amorcée il y a plusieurs années. Un livre trouvé dans une brocante est l’élément déclencheur de cette aventure à mi-chemin entre l’état des lieux d’une collection d’oeuvres parsemées dans le paysage urbain français et un véritable road-movie pour les retrouver. L’Art présent dans la cité a été publié en 1969, il s’agit du premier ouvrage sur l’art public ; il témoigne d’un programme de commandes d’oeuvres aux artistes par la Caisse des Dépôts et Consignations. La publication n’est pas neutre avec son format carré et sa couverture toilée, c’est un beau livre ! Ouvert, les pages livrent des photographies aux couleurs acidulées. Sculptures, fontaines, décors muraux, espaces de jeux apparaissent dans leur contexte, intégrés à l’architecture urbaine, aux halls d’immeubles, aux centres commerciaux, aux jardins et places. Les espaces sont habités par les usagers de la ville et portent l’utopie d’un cadre de vie pensé pour ses habitants où l’art trouve toute sa place.
Près de cinquante ans après, que reste-il ? Cette question a été le moteur des allers et retours de l’artiste, entre l’atelier et les sites d’implantation des oeuvres à partir du livre, son guide de voyage, avec comme indices les légendes des images. Une fois l’oeuvre retrouvée, à la recherche du même point de vue que le photographe d’origine, il a enregistré les lieux à la même distance et dans le même angle, autant que possible car la ville a bougé !
Entre les deux, cinquante ans de transformation urbaine, des barres HLM dynamitées, des places minérales envahies par le végétal, des oeuvres déplacées, partielles ou disparues, des fontaines asséchées, des jeux démontés témoignent de l’évolution de l’histoire de la ville et de son rapport au patrimoine des Trente Glorieuses.
Cet intérêt pour les oeuvres dans l’espace urbain n’est pas nouveau chez Hervé Beurel, la récente monographie (2016) Collection publique sur son travail l’atteste. L’ouvrage met en avant une série de photographies dont les motifs sont des décors muraux (peintures, mosaïques, reliefs) prélevés sur des façades d’immeubles construits dans les années 60 et 70. Le cadre photographique découpe exactement les contours des motifs au point qu’architecture, peinture et photographie se superposent et se fondent en un objet synthétique de l’ordre de l’image. A ce propos, Jean-Marc Huitorel écrit : On ne renonce décidément pas à cette oscillation entre le pôle photographique et le pôle pictural au profit d’un milieu, certes ambivalent, mais ouvert tout autant. C’est ici sans doute l’endroit qui convient pour poser ces propos de l’artiste : “Je cherche toujours des solutions pour ne pas inventer. Ce sont les choses qui préexistent. Je reprends, je réitère, je reproduis”.
Photographe dans le sens le plus basique du terme ; mais, au-delà de cette apparente modestie, porteur d’une véritable ambition, l’affirmation du geste, fût-il le plus minimal, le plus invisible, l’obtention d’un objet singulier.
Marie Laure Viale