L’exposition « Pièces pour clavecin » a pour source principale l’histoire de cet instrument de musique datant de l’Ancien Régime. Après une éclipse d’une centaine d’années entre la fin du xviii e siècle et du xix e pour des raisons tant esthétiques que sociétales, des passionnés de musique baroque soucieux de vérité historique entreprirent d’en retrouver le son perdu à travers la construction de répliques d’instruments anciens. L’exposition se divise en deux espaces : une salle des concerts fantomatique dans laquelle est programmée une série de quatre récitals de musique baroque et le salon d’écoute dédié à la reproduction haute-fidélité de l’instrument.

Un tabouret, une niche et le piètement d’un clavecin sont mis en scène sur un échiquier géant pour former le décor d’une « partie de musique » fantomatique

Inventé par Wolfgang J. Zuckermann en 1954 à New York, le clavecin en kit permit à de nombreux clavecinistes peu fortunés d’assembler leur propre instrument. Cette pratique se perfectionna en suivant les évolutions de la facture du clavecin. Dans un soucis grandissant d’authenticité historique, les kits actuellement commercialisés sont inspirés d’instruments conçus par les facteurs les plus réputés des xviie et xviiie siècles (Ruckers, Blanchet/Taskin, Hemsch, etc.). Ce modèle exposé en pièces détachées, dans l’attente d’un éventuel assemblage, fait ici directement écho au clavecin Hemsch de 1755 sur lequel fut enregistré le disque Vérité du clavecin.

Deux exemplaires du disque Vérité du clavecin (Sarastro, 1977) dont les pochettes se chevauchent sur un présentoir de bois sont joués simultanément sur deux platines automatiques de marque Dual. Le son est diffusé via un amplificateur à tubes haute-fidélité, visant à réincarner en toute transparence la source enregistrée. Le décalage temporel qui s’accentue graduellement entre les deux voies stéréophoniques confronte les deux « vérités » annoncées sur la pochette de ce disque audiophile reproduisant le son d’un clavecin Hemsch de 1755. Curieusement, la pochette n’indique pas le nom des compositeurs joués, privilégiant l’interprétation et la reproduction plutôt que la mention des sources originales.

Alors que j’étais à la recherche de deux fauteuils anciens pour meubler le salon d’écoute de mon exposition « Pièces pour clavecin », j’eus la surprise de tomber sur une petite annonce d’une paire de fauteuils photographiée sur un sol en damier avec un chien surgissant dans un coin. Faisant directement écho au plancher de danse de la salle des concerts, je décidais d’en faire l’acquisition et d’exposer une capture d’écran de l’annonce parue sur Le Bon Coin, un site de petites annonces entre particuliers. L’hypnothérapeuthe qui me vendit cette paire de fauteuils me raconta qu’elle hérita de ce chien indomptable nommé Khéops à la mort de son grand-père, un spécialiste renommé du sous-sol de la plus réputée des pyramides d’Égypte. À l’issue de leur exposition à La Criée, ces deux fauteuils ainsi que la niche à chien présentée sur le plancher de danse disparurent mystérieusement des réserves de ma galerie parisienne.

Alors que j’annonçais sur ma page Facebook mon exposition « Harpsichord Suites For Still Dogs » à la galerie gb agency au printemps 2017, je reçus un commentaire d’Elina Brotherus m’apprenant qu’elle possédait non seulement un chien mais aussi un clavecin. Dans le prolongement de son travail d’autoportrait, je lui suggérais alors d’en réaliser un nouveau avec son instrument et son fidèle compagnon. Quelques semaines plus tard, j’utilisais avec sa complicité la photographie capturée sur sa page Instagram pour annoncer mon exposition « Pièces pour clavecin » au centre d’art de La Criée.