Vincent Victor
Jouffe

29.11.2018

Roman et Alèbre

RETOUR A ANTONY

Vues de l’exposition Roman et Algèbre, Galerie des petits carreaux, Saint-Briac-sur-mer, 2016

Notes sur :

« Scène d’exposition», Résidence Universitaire Jean Zay, Antony,
ensemble de six tirages numériques photographiques, verres, dimensions variables, 2016.
Exposition Roman et Algèbre, galerie des petits carreaux

  • Panneaux de grès émaillé, croisement des bâtiments C et D
  • Chantier de rénovation, Cour du Pavillon A
  • Salle de musculation, gymnase
  • Monopoly, seuil du bâtiemnt D
  • Jeu d’enfant, derrière le bâtiment D
  • Cage d’escalier, bâtiment A

Après les pertes abyssales tant humaines que matérielles, l’après seconde guerre mondiale peut être considérée, comme une époque de la surenchère du comptage, du calcul et du nombre. C’est cet empire croissant de l’ algèbre que dénonçait avant le conflit mondial la philosophe Simone Weil, l’assimilant à l’obsession du rendement et de la productivité moderne et lui opposant la beauté pure et intemporelle de la géométrie, issue de la source grecque.

L’urgence de la reconstruction d’une Europe en ruines constitua une immense opération politique autant qu’économique où les questions du nombre d’unités-logements à bâtir, le nombre de personnes déplacées à reloger, étaient au coeur de toutes les préoccupations.

L’architecture du MRU / Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme manifeste pleinement cette alliance du triomphe du calcul, de la recherche intensive de rationalisation dans l’industrialisation des procédés et l’obsession de l’économie. Après l’édification très rapide de la Cité Rotterdam à Strasbourg - conçu par l’architecte Eugène Beaudoin et considéré comme le point de départ des grands ensembles -, le long chantier de la résidence universitaire Jean-Zay, qui durera de 1948 à 1955, conçu par le même maître d’œuvre, s’affirme comme une utopie sociale concrète pouvant accueillir 3000 étudiants: une cité-modèle au programme global.

Soixante années après son inauguration officielle et la publication d’articles élogieux sur son dessin architectural remarquable dans la presse spécialisée, la résidence Jean-Zay est devenue le vestige agonisant d’une époque révolue. Des neuf pavillons édifiés autour d’un long jardin arboré en pente, quatre ont déjà subi la démolition, deux ont été murés l’automne 2015 avant leur inéluctable destruction.

Depuis février 2015, ancien résident de 1989 à 1994 où il aura créé des ateliers collectifs, Vincent Victor Jouffe a réalisé plus de 15 promenades photographiques - parfois doublées de collectage de matériaux, d’objets ou d’archives - dans ce lieu de formation artistique et intellectuelle et ce foyer d’émancipation politique. Ce territoire spécifique, traversé par la biographie est aujourd’hui mis en péril par l’incurie successive des pouvoirs publics et la spéculation foncière que renforce le tournant néo-libéral.

A travers cette expérience qui n’obéit à aucune commande institutionnelle, la pose de l’objectivité est intenable. Chaque image contient un fragment d’un roman intime dans le même moment où elle peut être aussi lue à l’aune des mutations sociétales, de l’histoire de l’urbanisme ou de l’évolution des théories politiques.

VVJ, mars 2016