Projection astrale
Photogrammes couleurs de cives en verre soufflé
Cette œuvre a été réalisée dans le cadre d’une résidence au Centre Européen de Recherches et Formations aux Arts Verriers (CERFAV), Vannes-le-châtel
Envisageant initialement le vitrail comme moyen de production d’images photographiques, j’ai commencé par faire des photogrammes en couleur de fragments de verre. Est apparue une texture photographique qui m’a fait penser à une surface stellaire ou planétaire. De là, j’ai tiré le fil et me suis orienté sur la réalisation de cives.
Le procédé technique de la cive m’intéresse : l’idée d’une sphère, symbolique ici de l’astre, devient un disque par la force centrifuge, avec une mise à plat du motif qui se déporte et se déforme légèrement sur la périphérie.
On retrouve les notions de révolution, gravitation, d’un corps en fusion dans son enveloppe de pierre, lumière aveuglante.
Jean-Pierre Mateus, maître verrier et formateur en soufflage, m’a guidé peu à peu pour devenir autonome dans la réalisation des cives. C’était ensuite une recherche de couleurs et matières, arriver à se projeter dans l’image que cela produirait, accepter les erreurs et les déformations pour toucher quelque chose de métaphorique.
Puis vient le jeu d’empreintes lumineuses avec ces formes posées à même le papier photo argentique (photogramme en négatif couleur), pour enfin projeter mes études de verrier novice dans un espace fantastique où les astres sont en verre, mis en lumière par l’agrandisseur..
Voyager, 2019
Verre soufflé teinté dans la masse, argenture, «Les Fleurs du Mal» de Beaudelaire
Cette œuvre a été réalisée dans le cadre d’une résidence au Centre Européen de Recherches et Formations aux Arts Verriers (CERFAV), Vannes-le-châtel
Le titre est ambivalent. En français, c’est le verbe de la découverte de l’ailleurs par le déplacement. En anglais, c’est aussi et ici surtout une référence aux sondes spatiales 1 et 2 du programme Voyager de la NASA qui sont devenues les objets réalisés par l’Homme les plus éloignés de la Terre.
En reconnaissance préalable, deux sondes avaient été envoyées en 1972 et 1973 : Pioneer 10 et Pioneer 1 à leurs bords, la petite plaque en aluminium et or de 23 x 15 cm. Sur la surface, un message pictural est gravé à destination d’éventuels êtres extraterrestres, donnant des informations sur l’origine des sondes et les caractéristiques physiques de la forme humaine. Puis dans les deux sondes Voyager 1 et 2, la forme plus évoluée d’un disque vidéonumérique y est placée. Ces disques compilent de nombreuses informations sur la Terre, les Hommes, les Sciences, les Arts, les Langues, avec des images et des enregistrements sonores.
Parmi ces extraits audios, une voix française récite un extrait du poème Elévation de Charles Beaudelaire…
J’ai considéré cette histoire comme un message à la mer, une bouteille qu’on lance vers l’inconnu, mais aussi la mémoire de ce que nous sommes et de nos savoir-faire techniques. Une bouteille en verre a été soufflée par le maître verrier, jaune ambré teintée dans la masse puis argenturée à l’intérieur donnant l’effet miroitant d’une dorure rappelant la plaque de Pioneer. Sur la surface est gravé le célèbre pictogramme.
J’ai glissé, à l’intérieur de la bouteille, un fragment découpé d’une page de livre : la partie du poème de Beaudelaire qui est archivée sur le disque de la NASA. C’est aussi pour moi une manière de rendre hommage au maître verrier, dont le savoir-faire technique ancestral se transmet pour continuer d’exister.