Ce rêve de normalité
Captures d'écran
Dans Ce rêve de normalité, on assiste à un étrange rituel d’accouchement, brutal, intense, d’un veau extrait du corps d’une vache, qui se métamorphose en un corps au mouvement doux, ample, androgyne, humain. Nu, dans le même espace, la violence infiltre sans brutalité l’espace corporel dégagé par cet humain vulnérable. Le corps n’est pas dans une position de combat ou de virilité, mais il résiste, aux assignations, aux réalités auxquelles on voudrait le contraindre. Il se glisse dans les interstices et se réinvente un monde, car affirme-t-il « né d’un corps dit féminin dans une exploitation agricole bovine […] le rôle qui m’était assigné n’était pas pour moi ». La vidéo évoque l’ambiance du film Tom à la ferme du réalisateur québécois Xavier Dolan, sorti en 2012. Ce rêve de normalité, c’est aussi ce monde en mouvement, en interface, en intermonde qui dégage le terrain pour un ailleurs, hanté, mais libre de se définir, qui parcourt avec grâce l’espace paysan, transposant un univers âpre en une situation extraordinaire, métamorphosant cet univers difficile. La désinvolture n’est qu’apparente, les apprêts sont lourds d’une charge transgressive, d’un passé en train de se transmuter en une force, en une affirmation de soi qui n’oublie pas les mues nécessaires.
Fabienne Dumont
Damien Rouxel © Adagp, Paris