Mon abécédaire
Mon abécédaire
Sleeper Gallery, Edimbourg, 2008
Mon abécédaire, 2008 Photo : D.R.
J’ai travaillé dur sur ma broderie, commençant avec angoisse, passant par le désespoir, le narcissisme, la négligence, puis achevant mon travail avec zèle. J’ai appris à coudre au point de croix, comptant les fils d’un tissu de lin, essayant d’atteindre une apparence uniforme. J’ai séparé mes brins de soie rouge avec soin, les extirpant pour éviter qu’ils s’entremèlent. J’ai travaillé les empattements de mes mots avec le point à la tige, travaillant de gauche à droite, afin que le fil ressorte à la gauche du point précédent. J’ai dessiné chaque mot avec un crayon, porté les ombres avec soin sur des coupons de lin, puis travaillant à travers le tissu, qui doit être tiré, fil à fil, pour laisser mes imperfections. Comme tout enfant qui veut être bon, qui veut donner le bon exemple, j’ai fait face à mes défauts, mes manques, mes erreurs. J’ai travaillé ma liste d’odieuse connaissance de soi sur des mouchoirs français de dentelle, recueillis sur plusieurs années. Ils sont désormais dédiés à ma tâche d’auto-analyse (aidée en partie par une référence constante au Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, une référence encyclopédique dans le travail de la psychanalyse). J’ai fait de moi-même un exemple. J’ai brodé mon alphabet, et maintenant je peux démontrer mes connaissances, mon activité et ma vertu. Ceci est mon abécédaire, visant à enseigner les leçons les plus élémentaires, il témoigne de ma dextérité. Mon abécédaire est un travail classique d’auto-éducation, et j’ai travaillé dur toute l’année.
mon angoisse
mon besoin
mon conflit
mon désespoir
mon effroi
mon fantasme
mon gâchage
mon heurt
mon impuissance
mon jugement
mon lapsus
mon manque
mon narcissisme
mon orgeuil
mon purisme
mon quitus
mon refoulement
mon stratagème
mon transfert
mon usage
mon verbalisme
mon zèle