Pendant les semis l'expo continue
Projet proposé dans le cadre d’Étoiles distantes, parcours d’expositions et d’événements conçus et initiés par le Frac des Pays de la Loire avec la complicité des partenaires en Région.
Deux expositions du duo se déploient en ce début d’année 2022 sur la région des Pays de la Loire. A Bonus, Ilôt des Iles à Nantes à partir du 22 janvier 2022 avec l’exposition 29 The Polygon, et à Challans, à partir du 21 février 2022, avec le projet pendant les semis l’expo continue.
Discussion entre Vanina Andréani, responsable du Pôle Collection-Exposition au Frac des Pays de la Loire, et les artistes Julie Bonnaud et Fabien Leplae, autour de ce projet.
V.A.
Vous avez été sélectionnés pour participer au projet Etoiles Distantes, mis en place par le Frac à Nantes en lien avec plusieurs partenaires en région. En parallèle, vous avez été invités par Bonus à réaliser une exposition en janvier 2022. Ces deux projets qui ont lieu en ce début d’année, dont l’un prend la suite de l’autre, sont en lien, même si les expositions portent des titres différents. Comment les avez-vous conçues ?
J.B. & F.L.
L’exposition conçue pour Challans prend la suite de celle réalisée à Nantes, comme une sorte de relais. Alors qu’une exposition se termine, une autre éclôt à un autre endroit. Le contexte spécifique de Challans a forgé la nature du projet que nous avons mis en place : c’est un lycée qui nous accueille autour de temps d’ateliers et de rencontres avec les étudiants en classe préparatoire Arts Plastiques de l’établissement. En décembre 2021, nous avons mené un « workshop » sur deux jours avec les étudiants. Ce temps de travail a été déterminant pour penser notre intervention dans l’établissement, qui va se déployer au fur et à mesure des semaines, jusqu’au mois d’avril.
V.A.
Pour ce premier échange, vous avez proposé que les étudiants puissent expérimenter un de vos outils principal : la machine à dessiner
J.B. & F.L.
En effet nous avons installé à Challans pour les étudiants le robot traceur que nous utilisons pour les dessins que nous réalisons. Nous leur avons également proposé de travailler à la mise en place d’un jardin. C’est une manière de mêler des gestes qui sont au centre du travail que nous produisons. Nous souhaitons ainsi leur faire appréhender des problématiques centrales pour nous, comme celles des liens que nous opérons entre dessin et jardin, mais aussi les enjeux qu’il y a à travailler avec du vivant.
Depuis 2020, nous avons déployé dans nos expositions des systèmes d’hydroponie (cultures hors-sol dans des bassins d’eau) pour les plantes que nous avons choisi d’intégrer dans notre atelier de travail et dans les expositions que nous avons réalisées. Pour ce projet à Challans, nous avons souhaité expérimenter encore un autre travail avec le vivant : celui de mettre en place un jardin à partir des semis qui ont été réalisés avec les étudiants au mois de février.
V.A.
Quelles graines avez-vous décidé de semer ?
J.B. & F.L.
Nous avons apporté un mélange de fleurs (tournesols, amarantes, capucines, soucis, chardon-marie …), des plantes qu’on cultive dans notre propre jardin. Nous avons opté pour des espèces faciles qui ne nécessitent pas d’arrosage l’été car le lycée sera fermé à cette période. Des espèces annuelles dont les graines pourront être récoltées à la rentrée par les futurs étudiants…
De son côté l’enseignant qui pilote le projet, Stéphane Tellier, souhaitait que nous développions également des espèces de plantes tinctoriales. Cela pourra se faire dans un second temps, lorsque cette zone de culture sera plus implantée.
V.A.
Un ensemble de dessins complète l’installation. Quand ont-ils été réalisés ?
J.B. & F.L.
Un des dessins présentés date de 2017. C’est une superposition de deux images de tournesols perçus sous différents angles de vue, comme s’il s’agissait d’un collage. Ces dessins proviennent de photographies d’un jardin réalisé en 2015.
En 2021, nous avons réalisé à nouveau la partie du dessin qui semble être un collage, en deux exemplaires, avec cette notion fondamentale dans notre travail, que la répétition induit la transformation permanente, la variation, la métamorphose et l’hybridation. Comme une métaphore des cycles du vivant et des espèces. Un processus basé sur la répétition comme forme de changement, produisant des résultats uniques.
Pour ces deux dessins c’est un travail combiné de la main et de la machine, ils présentent beaucoup de similitudes mais aussi des disparités (ici le format et le support mais pas seulement).
Depuis le début de notre collaboration c’est un principe que nous continuons d’expérimenter : celui de retraiter des éléments déjà utilisés dans des œuvres antérieures. Cette répétition nous permet de poursuivre nos recherches, de creuser des pistes que nous n’avions pas pu exploiter dans le premier dessin.
C’est une façon aussi de mettre en jeu des questions liées à l’édition et la matrice (ces dessins de tournesols sont comme des matrices que nous réutilisons)
V.A.
Dans l’exposition présentée à Bonus, à Nantes, la série de dessins rassemblés nous permettait de mesurer que la couleur est au centre de vos recherches actuelles. Dans l’espace d’exposition de Challans, vous présentez néanmoins trois dessins noirs et blancs.
J.B. & F.L.
Oui, ce sont les espèces végétales qui apporteront quelques couleurs au fur et à mesure de leur croissance ! Dans nos dessins depuis deux ans, la couleur gagne du terrain en effet, parce que nous avons introduit un nouvel outil, une nouvelle machine à dessiner qui nous a offert d’autres possibilités. Les aquarelles sur papier notamment que nous montrions à Bonus et que nous avions précédemment présentées à Challans en 2021, sont issues de ces méthodes nouvellement bâties autour de cet outil. Ces séries différentes se développent en parallèle aux œuvres noir et blanc, et sont pour nous complémentaires.
V.A.
Ce qui rassemble ces séries ( Noir et Blanc // ou couleur), sont leur point de départ : des prises de vue. Dans les dessins noir et blanc qui allient précision et réalisme photographique, aux images colorées beaucoup plus abstraites, un seul point de départ, vos clichés.
Si dans les séries colorées, votre travail s’attache à se concentrer sur les palettes et les jeux de lumière, on a aussi l’impression que vous opérez une sorte d’entrée dans la matière, de zoom, de focus.
J.B. & F.L.
Comme une entrée dans la peau du dessin. Nous partons d’images quelquefois prises avec nos téléphones, donc d’une qualité moyenne, qui si nous zoomons produisent des abstractions, des zones indéfinies. Nous opérons aussi des changements d’échelle. Ces dessins colorés aux trames visibles que nous exposons à Bonus, se présentent comme des tissages aux couleur imbriquées, nous permettant d’engager des recherches sur la couleur / lumière, par l’ajout de trames successives. La question de la traduction de l’image photographique renvoie aux questions que nous posent les images en général : qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui ne l’est pas, quelles empreintes a le numérique sur nos perceptions et nos comportements…
VA : dans l’ensemble de ces séries, vous explorez de nouvelles possibilité de création à partir des drawbots.
J.B & F.L : aujourd’hui nous juxtaposons des expérimentations que l’on a pu avoir avec des machines aux contraintes et possibilités différentes. Nous mêlons nos interventions réalisées à la main (avec la mine de plomb, le fusain, le pastel), avec celles des machines. Nous nous intéressons à ce mélange de techniques, ces superpositions, en redéfinissant sans cesse la nature de la collaboration avec cet outil. Quel est l’apport de la machine, pourquoi l’intervention de la main reste-t-elle nécessaire ? Et cette imbrication de gestes, de procédés, que génère-t-elle ?
(…)
V.A.
Le lien à la nature, au vivant rejoint ici le processus que vous avez mis en œuvre. Le projet va germer, croitre, se ramifier…
C’est d’ailleurs ce que vous choisissez de mettre en évidence dans le titre de l’exposition pendant les semis l’expo continue
J.B. & F.L.
Nous mettons en avant l’importance de ce temps des semis, le moment où le printemps arrive, cette renaissance, ces temps cycliques, ce mécanisme de croissance qui s’opère.
Ce projet qui s’inscrit dans le programme Etoiles Distantes, a été repoussé plusieurs fois à cause de la pandémie, nous jouons avec cette idée de temps et cette ambiguïté dans le terme « l’expo continue » mais de quelle exposition parlons-nous… ?!