How to dress
La première fois que j’ai rencontré Ines Dobelle, elle portait un chapeau vert en forme de cornichon géant et un imperméable en miroir. Les Ateliers du Vent à Rennes avaient programmé une de ses performances, Zyme Zyme, qui veut dire «Levure Levure» en grec, je crois. Elle attendait son public accroupie au milieu d’une chambre de culture, ces chambres en tissus troué dont on se sert pour faire pousser du cannabis à la maison et qui ressemblent étrangement à des cabines de jeux sexuels. Elle prit son micro et commença à raconter une histoire d’amour torride, la rencontre entre un cornichon glissant le long d’un œsophage et du levain tapissant les parois d’un estomac. Je ne me souviens plus jusqu’où le cornichon et le levain glissaient et s’aimaient – jusqu’au rectum ? Mais je me souviens des images et des textures, humides, mousseuses, acides, de la chaleur, des tissus se contractant et des odeurs étranges, j’avais l’impression d’être un gros oeil qui avait soudain le pouvoir de voir ce qui se passe à l’intérieur d’un corps qui digère et il y avait quelque-chose d’affreusement érotique à ça. J’ai pensé à Annie Sprinkle, qui dans sa performance A public Cervix announcement était assise jambes écartées, avec un spéculum dans son vagin, et proposait aux spectateur·ices muni·es d’une lampe torche un voyage initiatique dans son col de l’utérus. Ines Dobelle avait proposé un trajet à l’envers, par la bouche, et sa méthode pour «faire voir» n’est pas le spéculum et la lampe torche mais le muscle des mots. Elle a ouvert des parois sensibles auxquelles je n’aurais jamais associé ni le sexe ni le cœur, en fait, elle a déplacé le sexe de sa dimension purement sexuelle, génitale, pour érotiser tout le corps. Quelques mois plus tard, elle me demande si je voudrais écrire un texte sur son travail… je propose quelque chose qui irait vers l’interview.