Catalogue d’exposition Felicità18
On est accueilli par un dessin sommaire du bicorne napoléonien distribué aux visiteurs du musée de l’Armée. Puis, on entre dans le lieu d’exposition. Un élément architectural cylindrique domine l’espace. Il est inévitable. Haut de trois mètres et entièrement revêtu d’une mystérieuse matière scintillante, il est entouré de quatre bancs sur lesquels les visiteurs sont invités à s’asseoir. Et attendre. S’ensuit un jeu de questions-réponses sur l’atmosphère de la salle entre un interprète-témoin et ceux dissimulés derrière les imposants volumes. Ces derniers surgissent sous les bancs, pour moquer gentiment le public tels des lutins farceurs, ainsi que taguer le revêtement de la sculpture cylindrique. Les sequins réversibles du tissu passent du blanc au noir, du noir au blanc. Ce n’est qu’à la fin que l’artiste, cachée jusqu’à présent dans la colonne, se met en scène. Assise sur une chaise-escabeau, elle caresse du pouce les doigts de sa main droite. Le signe du fric. L’escabeau ne mène nulle part. Rejoindrait-il, en cela, le néant d’un bicorne vide ?
Makis Malafékas - De prime abord, la pièce Le temps d’un mandat renvoie au dispositif de la performance. Or, il s’agit du résultat d’un long cheminement artistique aux moyens expressifs multiformes…
Ines Dobelle : Je me définie comme une polycultrice, c’est-à-dire que je m’amuse à utiliser différents modes d’expression, que j’organise ensuite pour réaliser une forme cohérente. La performance me plaît, parce que c’est un art de tous les arts qui défie toute définition précise. Un hybride entre la danse, le théâtre et les arts plastiques. J’ai élaboré cette performance, en réfléchissant d’abord à un dispositif remettant en cause la position du spectateur. Puis, j’y ai inséré des objets que j’ai fabriqués. Est venu s’ajouter par la suite une production langagière et corporelle.
Makis Malafékas - L’appropriation et le détournement de symboles forts tels que le bicorne napoléonien (connotations historiques, virilité, folie…) caractérise votre œuvre. Parlez-nous de cette approche.
Ines Dobelle : Je ne détourne pas que des symboles. Je m’approprie également des objets, des matériaux ou encore des gestes. Dans Sainte-Hélène, j’ai repris le bicorne napoléonien distribué aux visiteurs du musée de l’Armée pour en faire un accessoire. Je refabrique l’objet et lui ajoute d’autres qualités. Par le biais de ce processus, il acquiert un sens nouveau. Dans Flamber, ce n’est pas tant l’objet qui est dénaturé mais l’action du corps sur la pièce. Le corps vient détourner l’objet de sa fonction initiale, et génère un déplacement d’usage. Ces décalages créent des écarts subversifs non sans humour.