La rue des Mésanges
Vue de l’exposition individuelle La rue des mésanges à la Galerie Anne Barrault, 2021
Photos : Aurélien Mole
Guillaume Pinard © Adagp, Paris
J’ai grandi dans une rue des Mésanges. Ne cherchez pas la rue des Mésanges dans Paris intramuros, il n’y en a pas. Pas plus que dans le centre-ville de Lyon, de Marseille, de Toulouse, Lille, etc. Les rues des Mésanges sont apparues à la fin des années 60 avec le développement des lotissements pavillonnaires dans la périphérie des grandes villes. Une rue des Mésanges est une rue sans histoire, sans relation avec le territoire où elle se dessine. Souvent associée à d’autres passereaux (rue des bouvreuils, des chardonnerets, des fauvettes, etc.) dans un « Lotissement des oiseaux », cette greffe urbaine promet un dessein bucolique à ses propriétaires ; une rue qui fait passer la minéralisation de son terrain pour un projet champêtre et sa terre de remblais pour de l’humus avec un Jardiland ou un Truffaut en dealers de diversité biologique sur la route du travail, afin de déguiser son carré de jardin en morceau de nature. C’est dans ce rêve que je me suis fait coincer, dans ce zonage des imaginaires au langage et à la pratique strictement marchande et ustensilaire où rien ne prend racine (un accessoire, un outil, une machine pour chaque geste, chaque déplacement, une enseigne pour chaque fonction). C’est dans ce rêve franchisé, avec et contre lui, dans cette rue, quittée pourtant de longue date, que je me débats encore et d’où je parle, je dessine et je peins la joliesse vérolée, le paysage en excès, les corps entravés, une imagerie de seconde main.
Guillaume Pinard, 2021