Flora
Moscovici

07.10.2020

Viridité dans le Gymnase

Viridité dans le Gymnase, 2017
Peinture acrylique sur mur, cimaise et rideau au pistolet et à la brosse
DOC !, Paris
Photos : © Paul Nicoué

Exposition au DOC !, Paris, du 1er au 18 octobre 2017
Performance avec Muriel Ferraro le soir du vernissage.
Commissariat : Corentin Canesson, Arthur Fouray et Eva Vaslamatzi.

« Un peu d’histoire, en accéléré : dans un premier temps quelques artistes partent d’une page blanche, qui est un espace idéalisé, sur laquelle ils dessinent des axonométries de constructions recouvertes de plans de couleurs primaires disposés orthogonalement. L’idée étant que l’art déborde de la page pour inonder la réalité. Ça a donné des résultats, mais la multiplication des sources a fini par tout noyer. Succès d’estime. Ça marche un peu. Et même certainement plus qu’on veut bien le croire, mais c’est impossible à quantifier.

Ensuite viennent deux messieurs qui se peignent en bronze, et se transforment en sculptures chantantes. Cette fois-ci la peinture est utilisée comme une baguette magique ayant le pouvoir de transformer n’importe quoi en art. Ça marche dans l’espace confiné de l’art (quand on reste sur la page blanche, en quelque sorte). Grand succès.

Entre-temps la peinture a continué à déborder sur le monde réel, jusqu’à être omniprésente. Il y a la peinture « en bâtiment », qui est souvent sur les bâtiments, et puis celle qui est entre les bâtiments – les marquages sur les routes, les carrosseries des véhicules, le blanc d’Espagne au revers des vitrines, et toutes sortes de choses qui ne sont pas peintes, mais qui font semblant de l’être, comme le yaourt La laitière, ou n’importe quel autre exemple idiot qui vous passera par la tête. Indifférence générale.

Par-dessus tout ça viennent s’ajouter peu à peu des fresques très colorées et figuratives, commandées ou interdites par les pouvoirs publics, mais dont la supériorité artistique sur la peinture en bâtiment ou les yaourts est discutable. C’est le pompon. Les gens adorent, à condition que ça n’apparaisse pas sur leur maison à eux mais sur celles des autres.
Et nous voilà maintenant projetés dans un gymnase, au DOC, où se déroule la suite de l’histoire. Le point de départ, cette fois-ci, n’est pas la page blanche du début, mais la réalité existante, qui n’est plus blanche du tout, mais très confuse. Flora Moscovici part de ce qui est l’équivalent visuel de la cacophonie. Et comme pour remettre les choses à plat, au moment de l’inauguration une personne peinte, fausse sculpture mais vraie chanteuse, exécutera une performance.

Dans l’espace d’exposition, la principale peinture murale, faite avec du vert, ou plus exactement une grande variété de nuances de verts, fera écho à la peinture originelle du mur derrière la grande cimaise. C’est une peinture d’autant plus « concrète » qu’elle part de là – du concret, à savoir d’une réalité préexistante qui est déjà peinte ; l’art vient se fondre dans cette réalité, il l’éclaire et simultanément la dissimule. La peinture agit comme un camouflage, elle se fond dans son environnement. Cette forme particulière d’illusion estompe les arêtes des murs, leurs limites, ainsi que celles du sol. Pulvérisée de façon à obtenir des dégradés dans lesquels des nuances très proches se mélangent, la peinture change d’aspect selon les points de vue et l’éclairage. Succès garanti. Venez nombreux-ses. »

Vincent Pécoil, pour l’exposition Viridité dans le Gymnase, DOC ! Paris