Une pensée se perd dans l'inconnu chromatique
Photos : Damien Marchal
[…] Cette exposition est un nouveau prétexte à faire, à réorienter la pratique, à trouver une autre manière de dire par le faire. Si Damien Marchal a utilisé durant la dernière décennie, le story telling et la géopolitique contemporaine pour analyser plastiquement les notions de passage à l’acte à partir d’événements ou d’histoires, l’artiste choisit ici le frein à main et les graviers afin de franchir le décor dans une embardée chromatique. Dans cette première expérience purement graphique, il plonge dans le bleu. Le splash aquatique n’apparaît jamais, au contraire. L’onctuosité indigo, presque veloutée, tantôt profonde s’étirant jusqu’à l’usure du feutre sur le papier produit un nuancier de valeurs immenses par le simple épuisement de l’outil sur son support. En un segment court orienté parfois de manière rigide, chaotique, le bleu laisse apparaître la lumière.
Gamme chromatique se réverbérant dans l’océan, voilà probablement ce que cherchait l’artiste. […]
Etienne Baldé
“Le bleu ne fait pas de bruit.
C’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l’attire à soi, l’apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu’en elle il s’enfonce et se noie sans se rendre compte de rien. ” Jean-Michel Maulpoix
[…] Il craignait que la couleur bleu marine ne l’atteigne, le submer- geant d’une mélancolie douceâtre. Par l’entrebâillement de la porte des connaissances, on percevait les bruits d’une sirène de plage, grinçante, envoûtante. Le pêne défectueux avait menti sur son usage. Les oiseaux auraient dû migrer sans encombre, atteindre l’île idyllique d’une épaisseur antique, mais aucune douleur ne pouvait décrire la force absente des ailes fatiguées… Fragilité des mers calmes…lignes droites… Radeau indécis d’une chambre avec vue. Goélands, mouettes et corps mourants s’échouaient sur le matelas d’une rêverie indécise. Falaise du naufragé, îlot où trépasser, la vie erre au-devant du danger.
Casiers jonchés d’algues, hachures véloces, bleu de lumière, reflet d’un bord. Mort qui vit d’une douceur électrique. Adieu, Mary Shelley, adieu royaume. Bonjour rivage, bonjour souvenir, bonjour autre jour.
La lumière traverse les lames du store. Vision fragmentée d’un magasin effacé aux rayons vides de place. D’un coup d’œil elle embrasse et se perd de doute, d’un second clignement, s’interroge convaincue. Tout était à comprendre, mais rien ne le permettra.
Il n’y avait qu’à voir cela comme un exercice de style. Une pensée qui se perd dans l’inconnu chromatique. […]
Extrait de Quand les heures nagent de Damien Marchal
“Indéfiniment, le bleu s’évade.
Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l’air. Un em- pilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l’homme que dans les cieux. ”
Jean-Michel Maulpoix
Vues d'atelier
Photos : Damien Marchal