Sculptures en formes
Vues de l’exposition Sculptures en forme, Centre d’art de la Chapelle du Genêteil, Château-Gontier, 2010
Méduse, 2010,
Verre soufflé et torsadé, ampoule, câble. Les Lustres Méduses ont été réalisés dans les ateliers du CIAV, Meisenthal,
32 x 40 x 40 cm.
Divers, 2008,
Résine, 160 x 40 x 40 cm
La meule, 2010,
Argile séchée, bandes plâtrées, 24 x 24 x 10 cm
Sans titre, 2010
Tissu trempé dans du ciment, pierre, 18 x 30 X 15 cm
Echouée, 2010,
Cagoule sans gêne cimentée, 15 x 34 x 24 cm
Reste, 2010,
Argile séchée et poussière d’argile, 18 x 20 x 20 cm
Architecture, 2010,
Argile séchée, 30 x 39 x 19 cm
Les poignées de main, 2010,
Argile séchée, 9 x 60 x 8 cm
Photo : Marc Domage
© Adagp et l’artiste__
Certains artistes apprennent à conduire très tôt et déboulent rapidement sur les autoroutes de l’art. Parmi eux, quelques-uns arrivent en trombe à Dubaï, Shanghai ou Miami. La plupart sont néanmoins victimes de pannes d’essence, de sorties de route, voire de malheureux accidents. Il ne suffit pas de savoir conduire sur les autoroutes pour développer une œuvre qui « tienne la route1 ». La puissance qui se trouve dans l’œuvre de Christelle Familiari n’a rien à voir avec la vitesse, la trajectoire ou la distance parcourue. Elle provient de la patience on dirait presque une « patience obstinée » , de la répétition, de la façon empirique qu’a l’artiste de ne pas envisager la création de manière linéaire et progressive. Les œuvres du passé reviennent ainsi régulièrement, « augmentées » ou, au contraire, « diminuées ». Une sculpture réapparaît, mais descendue de son socle. Une performance est rejouée à travers une série de lithographies. Un collage en papier acquiert une troisième dimension pour devenir une grande sculpture en résine. Des pièces en argile non cuite sont posées sur des planches à roulettes dans une exposition ; deux ans plus tard, on découvre dans une installation les mêmes formes, mais légèrement agrandies, cuites, émaillées et disposées au sol. Un fond de terre oublié dans un vieux seau traînant dans un atelier est récupéré puis enroulé dans une bande de plâtre pour former une petite sculpture ronde. L’œuvre se déploie ainsi en boucles, en variations, en réinterprétations, en allers-retours permanents.
Christelle Familiari construit son œuvre à la mesure de son corps, de son énergie, de son endurance, de ses mouvements, de ses gestes favoris, de son champ d’expérience. Il faut notamment souligner l’importance des mains et des doigts dans son travail. Sur certaines vidéos ou photographies réalisées au début de sa carrière, on les voyait de manière explicite. Exemplaire, J’me tourne les pouces est une vidéo où l’on voit l’artiste, assise sur un canapé, se tourner les pouces pendant une heure. On retrouve cette prédominance du toucher et du senti dans des pièces plus récentes, résolument sculpturales. Si les mains et les doigts n’y sont pas figurés, on les perçoit à travers des empreintes, des torsions de matériaux, de savants maillages, des entortillements d’éléments ; certaines sculptures semblent avoir été caressées, d’autres énergiquement pressées ou longuement pétries. Pour les pièces qu’elle réalise elle-même, Christelle Familiari n’utilise pas d’outils (excepté des ciseaux pour les collages). Les formes naissent donc des gestes, sans intermédiaire : caresses, pressions, torsions, palpations, ainsi que plus minutieux maillages, entortillements, tressages, tissages, enfilages.
Bien qu’aujourd’hui l’artiste ne fasse plus de performance, le corps, le contact, le toucher sont toujours implicitement présents dans ses œuvres. C’est le cas pour la plupart des sculptures installées au sol sur des plaques de métal dans l’exposition « Sculptures en forme » à la Chapelle du Genêteil à Château-Gontier. Par exemple, une pièce, Reste, est réalisée à partir de résidus de terre ayant servi à la conception d’œuvres plus anciennes : il s’agit d’un petit tas de boules irrégulières qui proviennent toutes du même geste d’arrachement de la terre par une poignée de main, que Christelle Familiari a récupérées, puis recouvertes de poussière d’argile pour leur donner un aspect velouté. Mais c’est aussi le cas pour des pièces que leur allure plus précieuse apparente au design. Ainsi, pour concevoir les Lustres méduses, elle réalise d’abord le moulage du crâne d’un ami avec des bandes de plâtre. C’est à partir du moule obtenu qu’est fabriqué (dans un atelier de verrerie) un globe en verre. Parallèlement, des formes serpentines en verre soufflé et torsadé sont réalisées. Le globe sert alors de base pour le tressage minutieux et délicat des serpentins, patiemment entremêlés les uns aux autres. Là encore, donc, l’habileté manuelle est convoquée, et chaque lustre est différent des autres. On en revient ici à un procédé proche du maillage, mais avec cette complication supplémentaire que le matériau utilisé est à la fois dur et fragile.
Extrait du texte d’ Elisabeth Wetterwald Texte extrait du catalogue monographique de Christelle Familiari, coédition La Chapelle du Genéteil, centre d’art contemporain, Château-Gontier/ Le Parvis, centre d’art contemporain, Ibos. Parution Septembre 2010.
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