Ursula
Döbereiner

NEW . 18.07.2024

welt am draht

welt am draht

Vues de l’exposition personnelle Welt am Draht, Galerie Vincez Sala, 2015

Impression des dessin au crayon, imprimé sur papier et tapissé sur le mur, collages avec des impressions numériques, sacs poubelles, couvertures de survies, papier quadrillé et papier millimétré en A4 et son « roland » avec David Wojtowycz

welt am draht, 2015
Collages avec impressions numériques, sacs poubelles, couvertures de survies, papier quadrillé et papier millimétré, 29,7 x 21 cm (sélection)

Entretien de Hermann Öchtering avec Ursula Döbereiner *

*Entretien original en Allemand, traduit en français

Je me souviens de figures et d’architecture composées de lignes, d’un dessin, d’une nature morte d’espaces abandonnés, du souvenir de panneaux publicitaires et d’endroits qui ne signifient rien pour moi, mais dont je me souviens encore. Le souvenir est-il un outil pour toi ?

En fait, c’est plutôt l’idée de quelque chose. Donc pas tellement se souvenir dans le sens de penser à quelque chose qui est passé, mais plutôt imaginer quelque chose. Oswald Wiener a fait une belle description de l’écran intérieur que nous avons derrière le front. Il utilise cette idée comme preuve que nous sommes tous des machines.

Une « machine à projeter » ?

Oui, nous pouvons projeter sur cet écran intérieur notre idée de quelque chose pour le visualiser. Son expérience : tu vois le dessin d’un simple nœud et tu dois imaginer comment tu le dénouerais. L’écran intérieur se met automatiquement en marche et nous imaginons exactement et de manière imagée comment nous devons tirer ou pousser à quelle extrémité de la ficelle pour pouvoir défaire le nœud.

Je me souviens de l’image d’Agnes Martin, déjà très âgée, assise sur une chaise dans son atelier, attendant l’inspiration. Et ce, au sens littéral du terme. Comme une rencontre du troisième type. Est-ce que je peux l’imaginer ainsi ? Attendre que l’image apparaisse ?

Non, c’est une réflexion normale, mais en images et non en langage. Pour moi, l’ordinateur est une extension de ce processus de réflexion et de l’écran intérieur. Avec la souris, je peux dessiner directement dans l’ordinateur, et je vois alors tout un peu plus clairement que derrière mon front. Mais ce n’est pas encore vraiment là physiquement, ce ne sont que des données numériques.

Quelle est l’idée de l’overdubbing des dessins pour toi ?

Quand je m’imagine quelque chose, ce n’est pas statique dans ma tête. Je m’imagine une personne, un bâtiment ou une pièce sous différentes perspectives. Je ne cherche pas la perspective idéale, mais la simultanéité et la polyphonie des points de vue.

Le motif réel disparaît alors souvent. Ce n’est pas le motif lui-même qui t’intéresse en premier lieu ?

Non, le motif s’efface derrière le dessin. Dans la superposition de différents dessins. On voit le matériau, un dessin au crayon par exemple, ou les pixels d’un dessin sur ordinateur, le papier, etc. La façon dont il est dessiné vient au premier plan. J’aime ça parce que la relation souvent très contradictoire entre ce qui est représenté et la manière de le représenter m’intéresse bien plus que le côté narratif d’un motif. La superposition, la simultanéité de différents dessins est une manière de rendre cette relation visible.

Comment gères-tu les espaces très spéciaux pour cette exposition ?

Oui,dans tes espaces, l’habitat est très présent. Les pièces sont très hautes et proportionnellement très étroites. Les dessins que je présente ici sont basés sur le film « Welt am Draht » de Rainer Werner Fassbinder. Ce qui m’enthousiasme dans ce film, c’est la manière de raconter, le rapport extrêmement génial entre les images du film, la narration, le mouvement de la caméra et les dialogues. La caméra se déplace très calmement et régulièrement le long de ces surfaces scintillantes, de ces encastrements délirants et de ces reflets, et en même temps, on parle en arrière-plan de ses peurs personnelles ou de ses tâches professionnelles. La vue sur l’action est souvent cachée ou filmée dans un miroir, ce qui crée une désorientation folle et une confusion spatiale dans les images. C’est ce que j’aime.

Les difficultés des salles d’exposition te servent-elles de base bienvenue pour le dessin spatial ?

J’essaie de traduire les dessins que j’ai faits à partir des images de film dans cet espace réel. J’intègre les conditions réelles de la pièce. Les coins, les portes, les fenêtres, les prises électriques, tout devient partie intégrante du dessin. Je prends donc les décisions en faisant glisser les dessins dans l’ordinateur. Les portes, par exemple, coupent une partie relativement grande du dessin, ou un coin de la pièce change la lisibilité du motif, etc. J’aime par exemple les correspondances formelles, comme les rayures du chauffage et les rayures sur le dessin. Ou bien il y a des représentations de situations spatiales sur le dessin, par exemple un coin qui n’est pas placé dans le coin de l’espace réel, etc. Il y a donc deux espaces différents qui se superposent. L’espace fictif dessiné et l’espace d’exposition réel.

La confusion spatiale…

Oui, il y a toujours des endroits où l’espace réel se fraye un chemin à travers le dessin et devient souvent beaucoup plus visible que sans le dessin. Et comme les espaces sont plutôt étroits ici et que l’on ne peut pas prendre beaucoup de distance par rapport aux dessins, le manque de clarté joue aussi un rôle important dans le placement.

Dans le téléfilm « Welt am Draht » que tu as mentionné et qui donne son nom à l’exposition, un espace de vie est simulé par un superordinateur dans lequel vivent des « unités d’identité ». Ton travail sur l’ordinateur génère également une nouvelle unité d’identité des espaces. On pourrait donc penser que tu crées de l’« art informatique ».

L’ordinateur est déjà un outil très central pour moi et il élargit extrêmement les possibilités que j’ai avec les dessins. Numérique, analogique, original, copie ou aucun des deux, différentes matérialités et états des dessins. Travailler avec l’ordinateur est tout simplement très proche de mon idée du dessin. Le dessin se fait avec très peu de moyens et peut être presque immatériel. Si j’éteins l’ordinateur, tout disparaît. C’est très rassurant. Tout comme le fait que les œuvres tapissées sont temporaires. Une fois l’exposition terminée, ils sont retirés du mur et disparaissent à nouveau. Et je n’ai pas non plus de gros problème de stockage, car la plupart de mes dessins sont sur papier A4 ou numériques. En fin de compte, l’ordinateur est simplement un outil comme le crayon aussi. Donc, non, en fait, je ne voudrais pas parler de travail informatique ou d’art informatique.

Pourquoi ne pas dessiner directement sur le mur ?

Je l’ai déjà fait. C’est plus rapide que de tapisser, mais cela ne correspond pas à ma façon de travailler et de penser pour le moment. Toute la planification pour les travaux muraux se fait dans l’atelier. C’est là que je peux le mieux me concentrer et que je m’amuse le plus. Et en fait, je dessine directement sur le mur. Souvent, ce n’est pas aussi lisse qu’on le voit sur les photos. Certaines lignes ont un aspect différent dans la pièce que ce que j’avais imaginé sur l’ordinateur. Je coupe alors quelques lignes quelque part et les colle à un autre endroit, et je continue à dessiner directement sur place.

Qui ou quoi est ROLAND ?

J’ai commencé le projet musical « Roland » cette année avec l’artiste David Wojtowycz. « Roland » est un personnage fictif, quelqu’un qui peut changer de personnalité en permanence et qui n’a aucun signe distinctif. Un peu comme si dans un film, un personnage était joué par différents acteurs. Le nom « Roland » vient de l’ampli de guitare sur lequel nous jouons. Pour l’exposition ici, nous avons fait une sorte de bande-son. Certains bruits de la musique proviennent de « Welt am Draht ». Nous utilisons des samples ou créons des sons avec nos téléphones portables, que nous envoyons ensuite à travers des chaînes d’effets numériques et analogiques et que nous superposons en ondes complexes. Cette musique a quelque chose de très narratif, comme la musique d’un film, elle vit d’une sorte de suspense. On est toujours curieux de savoir ce qui va se passer ensuite. Le lien avec l’exposition est la source commune d’images et de sons « Welt am Draht ». En même temps, le côté narratif du film, avec les personnages artificiels programmés, les « unités d’identité » en rapport avec notre personnage « Roland » joue bien sûr ici aussi un grand rôle. C’est la première fois pour moi que je peux réunir ces deux mondes, faire de la musique et dessiner, de manière aussi directe dans une exposition. Et je me réjouis beaucoup de réunir dans cette exposition ces deux médias et approches très différents de « Welt am Draht ».


Dessins au crayon, superposés numériquement