Postcards
Comme des cartes postales sur un tourniquet : une idée de sculpture.
Longtemps Ron Haselden s’est levé de bonne heure pour promener ses chiens. Toutefois, depuis janvier 2008, il emporte avec lui son appareil photographique. Il marche ainsi dans la belle campagne bretonne autour de Plouër-sur-Rance, mais aussi en Angleterre et ailleurs. Ce qu’il aime, au terme de sa récolte, c’est envoyer des cartes postales à ses amis, aux quatre coins du monde, par le moyen merveilleux des emails. Une sorte de mail art si on veut. Ainsi quelques trois cents correspondants reçoivent régulièrement sur leur ordinateur les images de Ron. Celles-ci, il les appelle assez justement « cartes postales » car, outre le fait qu’elles relèvent de la correspondance, il doit les compresser et de ce fait en réduire le format. Souvent on lui répond, avec jugements et commentaires : un échange s’installe. Il garde tout.
Pour lui, c’est un peu comme un journal qu’il partagerait, très librement. Pas un mois sans images : au total, à ce jour, quatre-vingts environ. Dans ce stock, il décide aujourd’hui d’en choisir une cinquantaine dont il réalise des tirages papier de 55 x 70 cm, très soignés, au plus près des couleurs désirées, encadrés.
Que montrent ces photographies (car les photographies, dans un premier temps, montrent toujours quelque chose) ? Surtout des paysages confrontés aux différents états de la lumière, mais aussi des architectures et quelques traces discrètes de sculpture. Les poses de vue frôlent régulièrement le cliché, mais sans ironie, simplement parce que notre regard est aussi un regard collectif, conventionnel et cependant émerveillé.
Chaque lieu arpenté est photographié plusieurs fois, tantôt différemment, tantôt dans des variations à peine visibles. La seconde étape consiste à assembler plusieurs de ces vues en une seule image, un peu comme les cartes postales à vignettes multiples, mais à ceci près que le processus, ici, est souvent plus complexe.
Ron Haselden est un sculpteur et le demeure jusque dans sa manipulation des images à tel point que ce que l’on voit, c’est moins ici le sujet des photographies que la manière dont elles sont assemblées. C’est cette forme, différente à chaque fois, qui vient concurrencer la référence au réel. En ce sens, on pourrait dire que chaque assemblage est à la fois un montage (au sens cinématographique), un collage (mais à la manière des peintures du Picasso cubiste, ou du sculpteur Schwitters), une sculpture, et une exposition (accrochages variés, plus ou moins de pièces réunies). Pour tout dire, chacune des images (car, à ce stade d’élaboration. ce sont encore des images) témoigne d’un regard curieux et enchanté sur le monde autant que d’un projet de constructeur.
En d’autres mots les photographies de Ron Haselden tirent vers la sculpture, comme souvent ses sculptures surgissent à la manière d’images dans l’espace.
Jean-Marc Huitorel, avril 2010. Texte écrit pour l’exposition au cabinet Bennetts Architects, à Londres et paru dans le document de l’exposition Ron Haselden, Postcards, au Triangle, Rennes, en octobre 2010.
Postcards, 2008- en cours,
Vues de l’exposition au Triangle, Rennes, 2010
Photo : DR
_Collection Frac Bretagne, Conseil Général des Côtes d’Armor._
La série en cours intitulée «cartes postales» a commencé en début 2008. Ces assemblages de photographies sont envoyées par courriel à des gens partout dans le monde comme des cartes postales virtuelles, marquant des idées et des moments année après année.
Postcards, 2008-2011
Vues de l’exposition au cabinet Bennetts Architects, Londres
Photo : DR
Series of postcards, 2013/2014