Performances Painting
Performances Painting
Performance Painting # 1, 2005
DV Cam 4/3, 2 x 5’ , Installation vidéo, Interprétation: Alain Richard et Nicolas Floc’h
Image: Vanessa Colombel
Performance Painting # 2, 2005
Hdv - 9 mn. Interprétation: Rachid Ouramdane,
Le Confort Moderne, Poitiers, France, 2005.
(image: detail1perfpaint-4.jpg)
Performance Painting # 4, 2007
Tapis de Danse montés sur chassis, 125 x 800 cm chaque
MAC / VAL, Vitry-sur-Seine
Collection MAC / VAL
Crédits Photos : Marc Domage
_Performance Painting #4, 2006, Vu par Dominique Abensour
Quatre tapis de danse tendus sur châssis
C’est pas beau de critiquer ? Carte blanche au critique d’art qui nous offre un texte personnel, subjectif, amusé, distancié, poétique… critique sur l’oeuvre de son choix dans la collection du MAC/VAL._
C’est pas beau de critiquer ? Une collection de « commentaires » en partenariat avec l’AICA/Association internationale des Critiques d’Art.
L’économie à l’oeuvre
Avec nos 3000 signes-espaces compris, pas question de fureter. Allons droit au but et resserrons le cadre sur Performance Painting #4 de Nicolas Floc’h. Elle s’impose d’abord comme un monochrome noir de grande envergure dont l’intégrité, cependant, semble tranquillement menacée par une structure en polyptyque : quatre modules rectangulaires, identiques en taille, à associer deux à deux. Mais il y a plus. Un dessin complexe en anime les surfaces ; une infinité de traces, glissements, frottements et frappes répétées ont fini par moirer la matière mat du monochrome. À l’évidence, cet espace fut arpenté, usé de mille gestes et par nombre de corps en mouvement. Performance Painting #4 vient d’un studio de danse d’Angers qui a cédé ses tapis usagers contre des tapis neufs. Nous sommes donc face à un sol qui, relevé à la verticale, affiche sereinement son statut de tableau. Au musée, cet instrument de travail en fin de vie reprend du service. Boîte noire qui conserve la mémoire muette des actions des danseurs dont l’anonymat reste scellé dans la masse du PVC, l’objet recyclé s’offre aujourd’hui à d’autres lectures au carrefour de plusieurs champs de références, au demeurant peu compatibles ou à tout le moins étanches : abstraction radicale, Action Painting, minimalisme, art conceptuel, performance… Mais précisément, c’est l’interaction entre des régimes ou des registres différents, voire entre des domaines hétérogènes qui intéresse l’artiste. À travers la suite des quatre Performances Paintings(1), Nicolas Floc’h envisage le monochrome comme un dispositif de travail à réinvestir. Il en cultive le potentiel avec d’autres pratiques que celle du peintre. Les versions 1 et 2 consistent en des performances filmées qui mettent en scène des danseurs aux prises avec la matière même de la peinture. Les versions 3 et 4 remettent en circulation des tapis de danse dans une économie du prêt ou de l’échange. Notons qu’au coeur de cette opération de recyclage et de troc, c’est le caractère utilitaire ou la valeur d’usage de l’objet qui permet à la pièce d’acquérir sa valeur artistique. Nombre de pièces de Nicolas Floc’h obéissent à cet impératif. Elles n’accèdent à leur statut d’oeuvres qu’à la condition d’être activées, instrumentalisées ou consommées. Dans cette économie à l’oeuvre, le filet de pêche de la Tour pélagique doit pêcher, les légumes des Écritures productives doivent être plantés, vendus et cuisinés tandis qu’Untitled Barbecue doit rôtir les cailles. Performance Painting #4 n’échappe pas à la règle, d’autant que, selon « les besoins » de l’accrochage, les commissaires d’exposition peuvent jouer de sa géométrie variable.
En infiltrant les rouages de la réalité économique, en agissant dans les angles morts des procédures de l’art, Nicolas Floc’h mobilise des pratiques qui ne servent pas les mêmes intérêts mais qui pourtant travaillent ensemble au sein d’une oeuvre fonctionnelle et performative qui refuse de se couper de tout projet social. (1) Dans Performance Painting #1, 2005, deux figures (Nicolas Floc’h et le chorégraphe Alain Michard), enduites de peinture-noire pour l’un, blanche pour l’autre- se confrontent jusqu’à se confondre dans un même gris. Dans Performance Painting #2, 2005, le chorégraphe Rachid Ouramdane, vêtu de blanc dans un espace blanc, essuie une pluie de peinture noire tout en produisant un dripping en trois dimensions.