Écritures Productives
DESCRIPTION D’ÉCRITURE PRODUCTIVE
Chaque produit provient du mot qui le désigne. Par exemple, des salades poussent dans le mot salade.
2. Une série de photographies et de vidéos documentant le développement du mot est réalisée.
3. Après la récolte, le produit peut être transformé ou vendu sur le marché. Les produits sont vendus en tant que Produit-Art au même prix que les autres produits du marché.
4. J’explique le processus à chaque personne qui achète un Produit-Art et la particularité de ce produit. Cette personne reçoit avec son achat un certificat prouvant qu’il s’agit d’un Produit-Art authentique et un texte lui expliquant que la personne peut, si elle le veut, prendre une photographie lorsqu’elle prépare ou consomme le produit. Ensuite, elle peut me faire parvenir cette image que j’archive.
5. L’histoire de chaque mot est écrite.
6. Dans le cas d’une transformation ou production industrielle du produit, la vente, la distribution et l’archivage de la documentation sont liés à sa spécificité. Cinq cent soixante-quinze certificats ont été délivrés et j’ai reçu une cinquantaine de réponses comptant plus de cent images.
Nantes, octobre 1995
Tournesol et Salade, 1995,
La Turballe
HISTOIRES DES MOTS, 1995, LA TURBALLE
Acroclinium
Le mot Acroclinium fut planté le 16 avril 1995 à La Turballe en pleine terre, il occupait un espace de 10 x 1 m. Un mois plus tard, après de nombreux arrosages et une attention constante, ne voyant pousser que des mauvaises herbes pousser, je décidai de retourner la terre pour écrire à la place le mot tournesol qui, une semaine plus tard, allait sortir de terre. Je ne connais pas la raison de la non-émergence du mot, je suppose que les graines étaient avariées, cependant, quelque temps plus tard, un fragment du “A” apparaissaît et allait donner quelques fleurs.
Aneth
Le mot Aneth fut planté fin février à Nantes dans une jardinière et repiqué en pleine terre début avril à La Turballe dans un jardin. Seuls quelques fragments du “A” et du “N” résistèrent à ce déplacement et purent être consommés.
Carotte
Le mot Carotte fut planté le 22 avril et restera en terre jusqu’à la mi-octobre. En raison de la mauvaise qualité de la terre, seules des minicarottes légèrement amères seront récoltées.
Cerise
Le mot Cerise fut planté au mois de mai à la suite du mot Tomate. Les premières tomates cerise furent récoltées début août et les dernières fin septembre. La récolte fut abondante. Le mot ne fut lisible qu’au départ en raison de sa petite taille.
Chou
Le mot Chou, planté le 13 juillet, souffrit d’abord de la venue des moutons qui mangèrent la moitié du mot. Ensuite, les limaces se chargèrent de les parsemer de trous. Aucun d’entre eux n’a été récolté à ce jour.
Ciboulette
Le mot Ciboulette fut planté dans dix petits pots à la fin février dans mon appartement, en avril il végétait et mourut fin mai.
Cosmos
Le mot Cosmos, planté début avril, sortit de terre une semaine après avoir été semé. A la mi-avril, il était très lisible et le restera jusqu’à la mi-juin. Les premières fleurs apparurent début juillet. La floraison du mot se poursuivit jusqu’en septembre. Le “C” et le “O” se développèrent beaucoup mieux que la fin du mot. La production resta cependant restreinte et quatre bouquets seulement furent vendus.
Cosmos, 1995
La Turballe
Fraise
Le mot Fraise, planté au mois d’avril, fut productif de mi-juillet à fin septembre. Il produisit l’équivalent d’une barquette par jour. Aucune fraise ne fut vendue sur le marché.
Haricot
Le mot Haricot, planté le 22 avril dans une terre de mauvaise qualité, produisit une dizaine de kilos de haricots pleins de fils. J’essayai d’en vendre quelques kilos sur un marché mais après le passage de deux ou trois ménagères, qui, en les cassant les reposaient aussitôt, je dus les retirer rapidement, comprenant qu’effectivement, et ceci contrairement aux autres produits (à part les carottes), ils devaient être très mauvais.
Immortelle
Le mot Immortelle, planté au mois d’avril, resta fleuri de la mi-août à la mi-septembre, Chaque lettre, proportionnellement à sa surface, produisit entre un à cinq bouquets.
Lait
Le mot Herbe fut planté fin avril près de Guérande. Jusqu’à la mi-juin, l’herbe était superbe, grasse et bien verte. À partir de la fin du mois, en raison des fortes chaleurs et de l’impossibilité d’arroser le mot, l’herbe brûla et c’est seulement après les pluies de septembre qu’elle retrouva sa luxuriance. Au mois d’octobre, deux vaches laitières vinrent paître dans le mot
Persil
Le mot Persil fut planté début avril et demeura lisible jusqu’à ce qu’il se fonde dans les mauvaises herbes.
Poireau
Le mot Poireau fut planté le 13 juillet. En raison de vers dans la terre, 50 des 200 poireaux furent rapidement réduits à néant ce qui occasionna de nombreux trous dans le mot. Le “O”, le “A” et le “U” furent les lettres les plus touchées. Les poireaux restants devraient être récoltés à partir de la mi-octobre.
Radis
Trois mots Radis furent écrits à quelques temps d’intervalle dans des lieux différents. Le premier, planté fin mars, permettait une très bonne lecture du mot, mais les radis étaient trop serrés, ce qui eut pour résultat une abondance de fanes et très peu de racines, donc très peu de radis. Le second, planté à la mi-avril dans une très bonne terre et de manière moins serrée, offrit une excellente production de gros radis croquants au goût délicieux. Chaque lettre donna trois à quatre bottes à l’exception du “R” qui fut plus tardif et légèrement moins productif. Le troisième mot fut planté début août au 11e étage d’un immeuble, sur une terrasse. Comme pour le premier mot, les radis étaient un peu trop serrés mais surtout très exposés au vent. La production fut donc limitée et surtout très poivrée.
Salade
Le mot Salade, planté au mois d’avril 1995, était composé de trois cents salades, soit une cinquantaine par lettre. Chaque semaine, deux ou trois salades étaient aplaties sur le sol, leurs racines étaient mangées par des vers blancs. Étant donné que les salades avaient été plantées en quinconce et assez serrées, ceci ne perturbait pas la lecture. La récolte commença à la mi-juin. Cent seize salades furent vendues sur les marchés.
Sel
La construction du mot Sel débuta au mois de mars. Disposant initialement d’un bassin rectangulaire en argile de 18 x 2,5 m, je dus combler des espaces et en creuser d’autres pour écrire les trois lettres de 6 x 2,75 m chacune. Ensuite, il fallut remettre en état le circuit de chauffe de l’eau qui précède le mot, soit reconstruire les ponts, les enduire d’argile et dans un dernier temps préparer le fond des bassins. Une fois le circuit terminé, le mot fut mis à sec pour pouvoir retirer la vase qui s’était accumulée et obtenir des fonds lisses composés uniquement d’argile. Cette construction et préparation du mot furent terminées début juin. Au départ, seuls le “L” et le “E” produisaient du sel. Fin juin, l’eau ayant atteint un fort taux de salinité, chaque lettre produisait dix à quinze kilos de sel par jour. Les pluies du mois de juillet ont plusieurs fois ralenti la cristallisation du sel. La production de la saison s’éleva, pour l’ensemble du mot, à environ quatre cents kilos de sel et cent cinquante kilos de fleur de sel.
Tomate
Le mot Tomate fut planté au mois d’avril. Il était composé de cent vingt plants de tomates. Vers la fin avril, une trentaine d’entre eux durent être remplacés en raison des gelées. Peu de temps, après, une grande partie du “T” fut dévorée par des moutons. Les moutons revinrent deux ou trois fois manger des tomates vertes et pour les en empêcher, il fallut rajouter un grillage autour du mot. Les premières tomates furent récoltées fin juillet. Le mot allait produire jusqu’à fin septembre de dix à vingt-cinq kilos par semaine. Cinquante-sept kilos de tomates furent vendus sur les marchés.
Tournesol
Le mot Tournesol fut planté à la mi-mai à la place du mot Acroclinium. Le mot fleurit à la mi-août. Trois cents tournesols furent vendus sur le marché.
Nicolas Floc’h, La Turballe, septembre 1995