Jean-Marc
Nicolas

07.03.2023

Sans titre 2010

Sans titre, 2010
Vues des œuvres réalisées dans le cadre de
L’art dans les chapelles Chapelle du Cloître, Quistinic et Etang du Roz, Neulliac
Installation, bois, dimensions variables
Photo : DR

Écouter l’entretien de Jean-Marc Nicolas réalisé en partenariat avec Radio Bro Gwened, durée 11,45 minutes

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L’enjeu de toutes les propositions de Jean-Marc Nicolas consiste à articuler des données à la fois contextuelles – le site, l’histoire, la fonction - et formelles – le matériau, le volume, la couleur – pour produire une œuvre qui aboutisse au plus petit dénominateur commun à tous les ingrédients en présence.
Le rapport contexte/forme s’opère soit par questions/réponses – l’œuvre est une réponse à un questionnement qui émane du site (Comme une Forêt 2 Parc de la fondation Bon sauveur, Bégard 2005) – soit par préhension/restitution – le site possède des éléments qui seront la matrice de l’œuvre (Construction de l’Ego Plage du Valais Saint Brieuc 2002) – soit encore par prolongement de sens – l’œuvre cerne et prolonge à l’absurde la caractéristique du site (GR 34 Galerie du Dourven, Trédrez Locquémeau 2007.)
Contexte et forme sont indissociables, toute proposition formelle est issue d’une analyse contextuelle ; de même, tous les éléments résultant de l’analyse sont « mis en forme » l’œuvre ne se limitant jamais à un simple constat des particularités du site.
Si le travail de JM Nicolas est toujours une révélation, une mise en présence de l’absence émanant du site, cela se vérifie particulièrement dans l’intervention qu’il nous propose ici.

Intervenant simultanément à la chapelle du Cloître et à l’étang du Roz - l’artiste saisit là l’occasion d’une réponse unique, une seule œuvre se déployant sur deux sites distincts et sans lien apparent, leurs particularités déterminant l’évolution du discours de l’œuvre.

La Chapelle du cloître est sobre ; rien ne perturbe la pureté du transept aux murs chaulés, au pavage de pierres larges, à la voûte de bois clair. De simples croisillons font office de vitraux ; Le volume est bas, la dynamique horizontale ; l’ambiance en totale adéquation avec sa situation particulièrement isolée sur une butte, au milieu d’un bois. On semble en présence d’un bâtiment monastique (le cloître ?) plus que séculier.
Les étangs du Roz ne sont pas naturels, ils font partie du système hydraulique du canal de Nantes à Brest et sont en cela fortement architecturés ; on y retrouve la puissance et l’efficacité de construction de la Chapelle. Ici aussi la dynamique est horizontale, ici aussi le calme règne (avec cet inconnu du dessous de la surface qui peut-être inquiète) mais à la différence du site précédent c’est un lieu de passage, ouvert, transitoire.
A la Chapelle on vient chercher quelque chose, l’expérience est intime, profonde, obscure. Les étangs offrent leur surface aux promeneurs, leur miroir comme un reflet du temps qui passe, lumineux.

Le 24 juillet 1944 les soldats allemands prennent d’assaut l’hôpital clandestin installé à la chapelle du Cloître à Quistinic. 12 résistants, l’infirmière et le médecin y sont tués.
L’histoire est forte, violente, incontournable. Sans l’illustrer, sans la monumentaliser, JM Nicolas en fait le point de départ de sa réflexion et le point de rencontre des deux sites.

14 “lits” de bois blanc occupent la nef de la chapelle. Leur structure en grille carrée rappelle celle des fenêtres. D’abord en rang à l’instar des bancs qu’ils remplacent, ils se décalent doucement pour finalement s’agglutiner sous la fenêtre latérale, tentant même, semble t-il, de la franchir. Cette fenêtre est l’unique source de lumière de la nef. Aucun artifice ne vient mettre l’intervention en évidence ; l’œuvre prend naturellement sa place, comme une empreinte indélébile de l’histoire du lieu.

A l’étang les 14 éléments se sont unis pour n’en faire plus qu’un ; les objets deviennent surface. L’œuvre s’appréhende d’un seul regard ; elle n’est pas spectaculaire, elle n’est pas décorative, elle est là, dans l’évidence du paysage et de la mémoire, la même empreinte mais abstraite cette fois.

Prolongeant sa réflexion sur les espaces, leurs qualités, leurs potentiels à recevoir des projets, à participer de la création d’une installation, JM Nicolas nous offre une fois encore une œuvre sensible et délicate, dans le respect des lieux, avec sa maîtrise formelle habituelle.

Nathalie Lefloch