Jean-Benoît
Lallemant

06.12.2016

Kim Jong II

Kim Jong II, Reformcrime, 강성대국, 2015
_Modélisation, impression frigate de poudre par laser, aérographe, plaquage haute pression,
vernis, 150 x 150 x 170 cm.
Modélisation, Éric Bardi.
Aérographe, Éric Chicherie-Aerowave.
Plaquage, Prototype Concept.
Remerciement, Aude Chabrol, Esprit Finition.
_Photo : Jean-Benoît Lallemant__

Tout est parfait en République Populaire Démocratique de Corée, si bien que le mot « réforme » y est naturellement interdit d’usage. La réforme est aujourd’hui ce qui ponctue la vie des gouvernements par la mise en adéquation des politiques intérieures aux impératifs internationaux. Si la Corée du Nord est depuis bientôt 3/4 de siècle l’application de la dystopie orwellienne, sur la scène internationale, sa propagande est couverte de ridicule. Véritable noeud des relations en Asie du Nord-Est, ce régime, malgré sa constante dépendance aux superpuissances voisines, n’en est pas moins un exemple de ceux qui ont lutté au mépris de leurs populations pour conserver une souveraineté totale sur leur territoire.
Kim Jong Il, Reformcrime, 강성대국, est la première oeuvre d’une série de sculptures de haut dirigeants ayant pour sujet la dilution de la souveraineté des États dont l’image est l’un des enjeux. Cette sculpture s’amuse de la difficulté qu’ont actuellement les pouvoirs à maîtriser leur image sur la scène internationale. L’omniprésence des technologies de la communication permet de capturer et relayer des images qui deux décennies plus tôt n’auraient jamais été diffusées. Ainsi des camps de prisonniers politiques nord-coréens pris par les satellites d’observations, aux vidéos de bavure de l’armée américaine en Irak en passant par la démission du régime de Bachar el-Assad de tenter de dissimuler son utilisation d’armes chimiques, l’image est aujourd’hui hors de contrôle aussi pour ceux qui s’en étaient fait les maitres.
Cette œuvre rend hommage à l’art statuaire de ce sanctuaire de l’endoctrinement qu’est la Corée du Nord, unique savoir-faire culturel que le régime a su exporter (comme en témoigne la maitrise d’oeuvre du Monument de la Renaissance Africaine commandé par Abdoulaye Wade en 2010 alors président du Sénégal). Autre référence, cette fois à une comédie populaire américaine, Deconstructing Harry de Woody Allen dans laquelle un acteur, joué par Robin William, devient subitement flou ! – Paradoxe de l’acteur, difficilement reconnaissable et impuissant face à sa propre image. – Comme le reste des personnages du film demeurent net, le tournage doit s’arrêter car il est impossible de faire la mise au point sur l’acteur.
Autoproclamée, première sculpture floue de l’histoire de l’art, Kim Jong Il, Reformcrime, 강성대국, est le pire cauchemar de ces dirigeants politiques dont l’image est malheureusement, pour la politique elle-même, l’enjeu majeur du pouvoir.