Jean-Benoît
Lallemant

06.12.2016

Fundamentalism

Fundamentalism, Roughness 2, 2016
paille de lin, 20 x 20 x 3 cm, 1272 g.
Compression 180 tonnes (Hydraulique presse).
Paille de lin : Jacques Galon, agriculteur Val d’Izé, France.
Presse : Chaplain, Rennes, France.
Moule : MX Mailleux Acigné, France, remerciement : Loïc Mailleux

Avec une pression de 180 tonnes exercée sur la paille de lin, suivie d’une cuisson au four dans son moule afin de figer la matière végétale dans sa lignine, la densité devient telle que la surface de la matière, au contact du moule parfaitement lisse, perd suffisamment de rugosité et devient réfléchissante. C’est donc ainsi que le lin, support et constituant historique de la peinture, reflète sont environnement à partir de la seule matière qui le compose et non plus par les couches de pigments qui traditionnellement viennent le masquer.
Il y a l’empreinte qui résulte de la rencontre entre deux objets. Il y a le contour que l’ombre dessine lorsqu’un objet masque la lumière. Il y a la réflexion spéculaire de la lumière sur la surface de certains matériaux. Il y a d’autres phénomènes physiques qui produisent des reports de données de l’ordre de l’indice. De ces types de reports de données où la main humaine est absente, celui qui conserve le mieux les apparences pour satisfaire notre organe de la vision est bien la réflexion spéculaire de la lumière, nous l’utilisons ainsi au quotidien pour contrôler notre apparence.
Cette seconde version compressée à 180 tonnes, répond à la question posée par la première compression de 2014 qui fut : « Tout en portant une attention accrue à la physique des matériaux, Fundamentalism pose la question de la cécité liée à la culture du recouvrement. »[voir ci-dessous]. Cette interrogation trouve une réponse en portant justement une attention encore plus accrue à la physique des matériaux. L’aveuglement lié à une surconsommation d’image est le fruit d’une addiction au rafraîchissement perpétuel de l’écran vers lequel s’oriente la rétine. En refusant d’utiliser les outils de cette culture du visuel, cette surface propose une culture de la matière et de l’environnement immédiat. Au traditionnel recouvrement pictural se substitue une rugosité miroitante dont le renouvellement chromatique à la surface à lieu sans intervention humaine.
Fundamentalism est une contamination de ce qui relève du pictural à ce qui relève de l’écranique c’est un dispositif matériologique qui fabrique de lui-même de l’image. Fundamentalism est le premier miroir exclusivement composé de paille de lin.


Fundamentalism, 2014
Paille de lin, 20 x 20 cm.
Avec Jacques Galon, agriculteur, Val d’Izé, France.

Fundamentalism est un bloc de lin thermocompressé. Ingrédient historique de la composition d’une toile, la fibre de lin, filée puis tissée, s’est toujours dissimulée sous les couches de peinture. Socle de l’histoire picturale occidentale, mais toujours tapie dans l’ombre, cette matière organique témoigne d’une esthétique de l’invisible. Ce monolithe de texture résume l’oeuvre à une simple obstruction du champ visuel, il donne à voir un univers nouveau, un écran où la rugosité freine suffisamment le regard pour remporter la lutte entre espace et surface. Tout en portant une attention accrue à la physique des matériaux, Fundamentalism pose la question de la cécité liée à la culture du recouvrement.