Centre des Arts de Douarnenez 2022
Elsa Tomkowiak est artiste-peintre. De ces artistes qui, fuyant les constituantes historiques de la peinture de chevalet, la toile tendue sur châssis et le pinceau, y engage tout le corps, le sien et par conséquent, le nôtre. Qui éliminent la matérialité du tableau au profit de la couleur pure, c’est-à-dire du pigment ou plus simplement de la lumière. De ces artistes qui, au-delà du pouvoir intrinsèque d’attraction et de fascination de la couleur, s’émerveille du caractère physiquement changeant de la lumière, sa capacité à passer d’une couleur à l’autre de manière infinie.
L’œuvre d’Elsa Tomkowiak a pour point de départ la lumière et son déploiement dans l’espace. Qu’elles soient dispositifs monumentaux, installations modérées, témoignages encadrés ou dessins intimes, les œuvres d’Elsa Tomkowiak détiennent la possibilité d’une prolongation de la lumière au-delà de l’espace visible — son corps, le nôtre, le support de petit format, la matière sculpturale, l’espace monumental. Ici, un petit dessin réalisé au vernis à ongles figure le lien qu’Elsa Tomkowiak entretient personnellement, physiquement avec la couleur et la matière. Là, ses installations conçues pour des sites souvent hors-norme dont chacun engendre une œuvre exclusive — surface pénétrable conçue comme un terrain de jeux chromatique s’étendant au-delà du tangible — évoquent le fard à paupières vibrant que l’artiste étire jusqu’à ses tempes. Ailleurs, les témoignages de ces mêmes installations fréquemment éphémères, compressés et enfermés dans des cadres noirs dont ils semblent vouloir s’extraire, suggèrent les collants fluos que l’artiste retient dans le filet d’une seconde paire — noire. Enfin, des sculptures de mousse pétries et pigmentées à pleines mains font écho aux teintures capillaires bleues, roses ou platines que l’artiste invoque selon ses humeurs.
La peinture d’Elsa Tomkowiak révèle un engagement total : chaque intervention résulte d’une réflexion sur la lumière et sa matière, l’espace et sa forme, et sur l’énergie du geste qui s’y déploie, en brusque les limites, en dessine les rythmes et les nuances et y projette le corps avec puissance.
Louise Bombaglia
Photos : Elsa Tomkowiak et Jean-Sylvain Roveri