Angélique
Lecaille

18.11.2019

The far landscape

The Far Landscape XVI, 2012
Sculpture en terre et mine de plomb sous globe en verre

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The Far Landscape, 2012
Sculpture en terre et mine de plomb sous globe en verre
Courtesy et Photos : Domaine de Kerguéhennec

Vue de l’exposition Figure(s) & paysage(s), Domaine de Kerguéhennec, 2014
Courtesy et Photo : Domaine de Kerguéhennec

Angélique Lecaille est née en 1975. Diplômée de l’école régionale des Beaux-arts de Rennes en 1999, elle enseigne le dessin à l’université Rennes II et travaille au sein de Vivarium, atelier artistique mutualisé situé dans une zone industrielle de la ville. Elle se consacre principalement au dessin, qu’elle aborde dans de très grands formats traités à la mine de plomb ou au stylo Rotring. L’extrême précision de ses images contraste avec l’immensité des scènes représentées, qu’il s’agisse de ciels, de pics montagneux ou de paysages cataclysmiques, ce qui leur confère une dimension magnétique. Les œuvres d’Angélique Lecaille sont marquées par une double absence. Celle de la figure, d’abord, et celle de la couleur. En les retirant de ses images, l’artiste concentre toute l’attention sur les espaces qu’elle déploie et sur la manière dont la lumière les effleure ou les transperce.

A la fin du XVIIIe siècle une notion nouvelle apparaît en matière de représentation des paysages : le sublime. « Le sublime, écrit Alain Corbin, c’est l’effroi, voire l’horreur, suscitées par l’irruption brutale d’un grand événement cosmique qui produit une vibration de l’être confronté à la force incommensurable de la nature, laquelle lui fait éprouver sa petitesse ». Il y a de ce « sublime » dans les espaces dépeints par Angélique Lecaille, dans ces paysages telluriques qui renvoient à des temps immémoriaux et semblent exposer la matière minérale encore animée de transformations. Le regard de l’artiste rejoint ici celui du scientifique observant l’univers à travers sa lunette ou celui de l’amateur éclairé collectionnant les curiosités géologiques. On passe ainsi de l’infiniment grand, avec les planètes de Magnitudo Parvi , à l’infiniment petit de Cairn, roche précieuse, météorite peut-être, sous un globe de verre soufflé qui en souligne la fragilité. Dans Ars, la montagne apparaît comme une succession de précipices et de reliefs tranchants, que les éléments n’auraient pas encore érodés.

Plus que des paysages, c’est un monde que nous présente l’artiste, un monde d’avant la vie, minéral et sculptural. Et cet aspect est renforcé par les propriétés plastiques de la mine de plomb, qu’Angélique Lecaille utilise dans ses dessins mais également dans ses sculptures. Le graphite qui vient recouvrir les sculptures en terre Cairn et The far landscape of my mind leur confère ainsi une densité et une brillance toute métallique.

Bien que l’extrême précision du trait évoque le dessin d’observation, les paysages d’Angélique Lecaille sont entièrement imaginaires. « Je dessine sans modèle, suivant mon imagination. Notre vision du paysage, c’est un peu notre propre reflet ». Un reflet enrichi de nombreuses références artistiques et littéraires, si l’on pense aux espaces terribles et grandioses d’un Altdorfer, ou si l’on se réfère au titre Magnitudo Parvi, qu’Angélique Lecaille emprunte au crépusculaire poème de Victor Hugo.

Florence Jaillet, historienne de l’art
Texte publié dans le cadre de l’exposition Figure(s) et paysage(s), Domaine de Kerguéhennec, 2014.