Le Parvis
Le Parvis, 1974 - 2010 Affiche Grand format réalisées par le studio ALQ pour “Le Parvis” à la demande de Marc Bélit.
” Le Parvis” est l’une des soixante-dix Scènes nationales en France: réseau comprenant les premières Maisons de la culture, les Centres d’Action culturelle, et les Centres de Développement culturel fédérées en quatre-vingt-dix, sous un unique label: ” les Scènes nationales. Ces établissements ont en charge le soutien à la création artistique, la diffusion artistique et la formation des publics.
_2009
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ALQ: C’est un endroit étrange, j’ai travaillé pour lui pendant 35 ans et pourtant j’y suis assez peu venu, sept ou huit fois, pas plus. Un paysage de zone commerciale. La capagne est là. Toute proche, visible, plate, avant les Pyrennées, au loin… le lieu doit être fréquenté, zone commerciale oblige, mais je n’ai jamais senti l’effet de foule, plutôt une notion de vide.
Dans le décor, une affiche de 3x4 m. J’ai toujours voulu garder les traces de mes affiches en situation, ,’étant pas sur place, je les demandais à l’équipe du Parvis… Je les ai fatigués avec mes demandes entêtées, alors, de guerre lasse, ils sortaient et prennaient le panneau du parking le plus proche… Photos sous ou surexposées, mal cadrées prises avec un appareil de quatre sous…Il fallait sen contenter… Mais maintenant, il m’apparaît que la juxtaposition de ces photos répétitives est révélatrice d’une atmosphère particulière au lieu. Leurs insufffisances en font la qualité et le sens. Mieux que toutes les autres, elles traduisentl’esprit du lieu ou du moins l’idée que je m’en fais.
2009-2010
ALQ: C’est parce que j’avais laissé quelques affiches chez des amis près de Muret, lors d’une descente dans le Sud, fin 73 ou début 74… C’est parce queMarc Bélit est passé chez ces mêms amis quelques jours plus tard…que tout à commencé, sans fax, sans email, avec la poste et le téléphone entre Quimper et Tarbes…La préhistoire…35 ans, le chiffre donne le vertige car je n’ai jamais compté, seule me préoccupait la suite. 35 ans de communication culturelle.
Le Parvis en affiches 1974-2010 - Édition
Le Parvis en affiches 1974-2010
Discussions entre Alain Le Quernec et Marc Bélit, président fondateur du Parvis
Edition Le Parvis, Tarbes, 2010
Conception graphique : Studio ALQ, Alain Le Quernec et Carolina Rojas.
Extraits choisis de l’édition
Carolyn Carlson, 1979
Elle, c’est Carolyn Carlson, une danseuse d’origine finlandaise ce qui explique son physique de nordique et sa morphologie élancée. Elle est apparue dans le paysage de la post-modern dance américaine au détour des années soixante-dix. Elle venait de Californie où elle dansait dans la troupe d’Alwin Nikolaïs et elle allait se voir confier la direction du GRCOP, le « Groupe de recherche théâtrale de l’Opéra de Paris. »
Très vite, elle sera programmée au Parvis. Tout chez elle étonnait et fascinait. Elle avait cette capacité et ce don de pouvoir apparaître sur scène et immédiatement de focaliser les regards grâce à un corps divinement fait pour la danse. Tout en elle était graphique, elle inscrivait son corps dans l’espace comme un peintre pose son trait sur la toile. On aurait dit que sa plasticité lui permettait de tout faire et surtout de se transformer en épure, en signe, en hiéroglyphe corporel. On n’avait d’yeux que pour elle, elle captait et concentrait sur son corps toute l’attention, elle était absolument et en tout point remarquable. Ce soir-là, un ami photographe avait tiré des photos qui révélèrent, la beauté et la perfection de ses poses. S’il fallait une preuve de son talent elle éclatait là sous nos yeux. À cette époque, elle dansait vêtue d’un simple collant, les cheveux serrés en chignon sur sa nuque comme une danseuse classique et son corps était l’argument et l’objet de sa danse. Je lui vis ainsi danser l’un des plus beaux solos de danse qu’il m’ait été donné de voir. Elle pouvait étendre ses bras à l’horizontale derrière elle, rester perchée sur un pied comme un héron, puis se détendre dans un bond, comme un grand oiseau des marais à l’envol, elle était aérienne.
Alain Le Quernec, avait-il vu ce ballet quand il travailla pour le Parvis à construire des images uniques avec le talent qu’on lui connaît ? Je ne saurais dire, mais je sais qu’Alain le Quernec va d’un coup à l’essentiel. Celui qui fut un élève du maître polonais Tomaszewski et qui semblait plus à l’aise dans l’affiche militante ou politique, nous donna là, une image, dont des années après, je me demande encore comment il put en avoir l’intuition tant elle est juste quant à son objet.
Son idée est simple. Pour exprimer la danse et le corps tendu de la danseuse il a l’idée de prendre une lame de rasoir « gilette », en acier bleu et dans le centre où l’on insère le manche du rasoir, il transforme la découpe en silhouette qui évoque la danseuse. Il ne lui reste plus qu’à plier cette fine lame, lui imprimant ce mouvement de tension qui peut la tendre sans la briser, comme on le fait entre deux doigts pour mesurer sa résistance. Et comme par ailleurs, cette lame est coupante, il imagine un fil rouge, posé sur la tranche, lui-même tendu et prêt à être sectionné. C’est là comme un précipité de temporalité et de mouvement, la juste appréciation philosophique de la définition du temps que donne Aristote : « ce mouvement entre l’avant et l’après ». Ici, c’est l’œil de celui qui regarde qui peut jouir de ce suspens provisoire, de la lame qui va se détendre et du fil qui sera sectionné.
L’information sur l’identité de la danseuse et sa compagnie sont dessinés sur la lame comme une marque de fabrique et un petit texte en réserve blanche sur fond noir donne le lieu la date et l’endroit avec une économie de moyens parfaite. Plus je regarde cette image, et plus je me dis qu’il y a là, une adéquation rare entre l’image et son objet, obtenue avec une élégance et une efficacité, rarement observées dans des affiches de spectacle.
Plus tard, j’offrirai cette affiche à Carolyn Carlson qui s’en déclarera ravie.
Pourtant ALQ n’est pas parvenu du premier coup à cette perfection. Il avait déjà réalisé, toujours pour le Parvis, une première affiche de C.Carlson et du « Groupe de recherche de l’Opéra de Paris ». Il avait alors choisi la danseuse et son double, une silhouette dédoublée avec l’indication d’un pliage possible de l’image qui évoquait encore une fois, la pose, tenue sur un pied, jambe à l’horizontale et le mouvement de se déassembler en se réassemblant. L’idée était juste mais elle n’avait pas encore atteint la perfection de la lame Gillette. Entre les deux, il lui fallut seulement quelques années.
Qu’est-ce qu’ALQ avait saisi ? C’est tout le mystère, mais il avait trouvé.
C.Carlson, quant à elle, a mené une carrière immense, elle est revenue au Parvis bien souvent, avec ses plus grands ballets, confirmant à chaque fois ces qualités qui éclataient dès qu’on la voyait sur un plateau. La dernière fois, ce fut en 2004 avec « Writting on Water » un solo créé deux ans plus tôt au théâtre Malibran à Venise sur une musique de Gavin Bryards. Le sujet en était le temps, le vieillesse qui vient, la mort à l’horizon. Une lutte contre la fatalité et l’impuissance où la danseuse lutte avec l’ange. On voyait alors cette danseuse tordre sa ligne de danse jusqu’à la limite, pousser les bords de la vie, écarter l’espace où se mouvoir, renoncer, repartir, se confier encore et toujours à l’énergie vitale et au mouvement.
J’ai vu là un des plus beaux moments de danse, de danse pour survivre, de danse pour la vie. On la voyait ainsi dessiner d’énigmatiques calligraphies dans sa robe noire à longue traîne qu’elle creusait sans fin de vagues, jouant de ses bras, de ses mains avec une virtuosité inouïe qui repoussait très loin les limites de l’âge. Elle dira ensuite, reposée dans sa loge : « je cherche le geste unique et pur » et cela me parut alors évident car, depuis le début, cette artiste est une calligraphe qui invente un langage du corps que nul Champollion ne saurait déchiffrer s’il ne le rapportait aussi à l’histoire de la danse, il y a quelque chose d’éternel dans sa recherche qui touche parfois à des moments de perfection. Cela ALQ l’a saisi en un seul regard avec une seule idée. Je ne crois pas que ces deux artistes se connaissent mais il y a dans l’image qui reste le plus bel hommage de l’un à l’autre. J’ose croire qu’en regardant son affiche tarbaise, Carolyn rencontre l’un des plus beaux hommages graphiques qui lui aient été rendus.
Marc Bélit, 2015
Gust, 1987
ALQ: C’est étrange, à l’heure des comptes et bilans je m’aperçois que je n’ai presque pas tra-
vaillé pour “Le Parvis” entre 89 et 92, une infidélité, une passade, un désir de changer d’atmosphère comme disait l’autre.
À vrai dire, je ne m’en étais pas rendu compte à l’époque…ni cherché à savoir le comment du pourquoi.
Seules exceptions les affiches de spectacle dont Marc Bélit était le metteur en scène. À les voir aujourd’hui, je me dis que ce n’était peut être pas le mauvais choix…
Gust. Du dur… Un paysan allemand raconte sa vie …dans une pièce contiguë sa femme agonise.
L’homme de bronze, 1990
ALQ: Où l’on découvre que le héros local martyr de la résistance yougoslave dont la statue trône sur la place du village n’est pas mort….. Faudra t-il l’assassiner pour ne pas écorner la légende ?
MARC BÉLIT : Parlons café-théâtre. Au début le mot dit la chose et l’image renvoie au contexte et au lieu, le café mais aussi la politique, la société, les mœurs du temps. C’est simple et çà roule. Les images tapent juste. Mais justement, ça roule et ça change, des lois, des taxes sur les spectacles rendent plus difficile l’art du café-théâtre dans sa précarité. Le spectacle d’humour se substitue à lui tout en gardant l’esprit, apparaissent les humoristes. Après la génération de Romain Bouteille, ces artistes qu’ils se nomment Bedos ou Jolivet et tant d’autres feront les Zéniths, on ne joue plus dans la même catégorie. Le spectacle s’étoffe, au Parvis, il devient “Cafés théâtres et Compagnies” et s’installe sur le grand plateau puis l’esprit de comptoir le cède à un humour plus décalé et on ne trouve plus guère de formes qui relèvent stricto sensu du café-théâtre comme tel. Après pas mal de contorsions “Le Parvis” opte pour “Parlez-moi d’Humour” qui deviendra “Délits d’humour” en accord avec l’air du temps.
Mais comme un papier collant qu’on n’arrive pas à décoller des doigts, on tourne autour de cette idée alors même que le genre s’est épuisé et s’est remisé dans le genre comique. En 2008, le saut est fait, on n’est plus dans l’esprit du comique mais dans le spectacle “différent, innovant, créatif” c’est “Collection d’Hiver”… ALQ aura accompagné, l’évolution, les contorsions et les malaises de la programmation de ce genre, ces affiches disent assez son bonheur, ses contrariétés, ses maux de tête et ses réussites, mais c’est cela aussi une collaboration artistique.
ALAIN LE QUERNEC : Un type de spectacle né dans les années 70, avec Coluche en chef de file. Un genre à la mode donc. Pour ce premier festival je décide d’illustrer au pied de la lettre les deux mots, les deux atmosphères, café et théâtre. L’affiche malgré ses maladresses est une réussite, au passage c’est un hommage aux affiches d’apéro d’avant guerre de Loupot et Cassandre, entre autres.
Je déclinerai ce concept de la dualité, café/théâtre, les années suivantes avec plus ou moins de bonheur….
Sélection d’affiches produites pour Le Café-Théâtre, Tarbes.
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Parlez-moi d’humour, 2007
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ALQ: Enfin, avec ces bulles enlacées, je pense avoir trouvé une image originale en adéquation avec le titre. Elle me satisfait, même si elle est moins littérale que les précédentes. Mais c’est trop tard, la manifestation ne sera pas reconduite l’année suivante, elle sera remplacée par une autre, joliment appelée “Collection d’hiver”, dont malheureusement je n’arriverai jamais à cerner les contours pour peu qu’ils aient jamais existé.
À spectacles décalés, image décalée… décalée de quoi ? On n’a jamais su me le dire.