Yoan Sorin - Sur le ring
François Pavilla fut le premier champion de France des welters issu des Antilles (Martinique) où il naquit en 1937. Plusieurs fois tenant du titre, il échoua aux championnats d’Europe contre Fortunato Manca ainsi qu’aux championnats du monde contre Curtis Cokes. Son dernier match, il le perdit
contre Marcel Cerdan Jr Ie 29 avril 1968. Une revanche était prévue. Elle n’aura pas lieu puisque Pavilla décède trois mois plus tard à l’hôpital où il fut admis pour une banale opération oculaire. ll avait 31 ans. ll est le grand-père de l’artiste Yoan Sorin.
Yoan Sorin, né en 1982, était promis à un bel avenir de basketteur au club de sa bonne ville de Cholet si une série de blessures n’avait définitivement compromis sa carrière. Du métissage il tire une conception de l’art, à tout le moins de celui qu’il pratique, faite d’apports multiples et hétérogènes,
entre motifs traditionnels et cultures populaires. Après trois années de collaboration avec la chorégraphe Dana Michel, il conçoit, pour une exposition au Quartier à Quimper, l’oeuvre Si j’existe je ne suis pas un autre qui peut être lue comme un hommage à son aïeul.
Le premier temps de l’oeuvre est de nature performative. Sur une table, le jour du vernissage, l’artiste a disposé quatre blocs d’argile de 25 kg chacun, soit, additionnés, son propre poids. Il commence à frapper le premier bloc, comme s’il préparait son matériau de sculpture, comme s’il s’entraînait
pour un match de boxe. Puis il s’enduit le visage de vaseline afin de le protéger de la seconde couche constituée de pigment noir. S’en suit une série de coups de tête destinés à marquer la glaise de son visage, Au terme de cette première phase, il s’essuie la face à l’aide d’une serviette blanche qui en reçoit l’empreinte et qu’il accroche au mur, à proximité, telle une peinture. Et ainsi des quatre blocs. Éreintant combat en quatre rounds dont le résultat, blocs de terre et serviettes, constitue la part exposée.
Pour l’exposition “Une forme olympique”, Sorin a conçu Frapper, creuser. Suspendu au plafond, un objet évoquant un sac de frappe et composé de sept épaisseurs de matériaux (tissu, papier plâtre, etc.). Face au public, l’artiste cogne si fort que, peu à peu, les couches explosent et forment au
sol un monticule de débris qui évoquent les cadeaux et friandises de la Pinata. Au mur, un extrait du chant qui accompagne ce rituel, ainsi que les
poings américains utilisés par l’artiste, à côté des bandages de mains et du maillot porté lors de la performance et à présent tressés.
Jean-Marc Huitorel, _art press 2 n°43, “La Boxe, Le Noble Art” nov. /dec. 2016 / Jan. 2017_