Le travail artistique est pour moi un engagement, un lieu où se fabriquent des potentialités de récits et de dialogues avec le paysage. Ma démarche nait le plus souvent de l’immersion du corps dans l’espace, de l’expérience du temps, et témoigne de la mise en valeur d’une présence au monde par des modalités spécifiques d’apparition de l’image ou du langage. Dans des contextes naturels ou urbains faits de relations d’altérités et d’occurrences, il apparaît parfois à la faveur de l’attention que les fragments réunis en chaos durant la recherche s’agglomèrent en objets sensibles d’un récit à partager. Mais pour voir apparaître un phénomène il est souvent nécessaire de construire un outil. L’œuvre et l’image se construisent alors dans une forme hybride au croisement de la sculpture, du performatif et de l’enregistrement au sens large. Elles deviennent dans l’espace de leur exposition la manifestation de cette praxis, de l’interdépendance entre le lieu, le dispositif, le processus et l’empreinte ; trace sensible issue d’une rencontre avec le paysage.
Parcours thématique
Art et espaces publics : déplacer les formes, inventer des usages
Parcours proposé par Philippe Dorval, enseignant d’arts plastiques et développement culturel au Département Carrières sociales de l’Iut de Rennes. Ses publications portent sur l’art contemporain et sa réception.
TRISTAN DEPLUS
Nouveau dossier
Entre itinéraires bis et parcours de réseaux secondaires, ma culture de l’urbain et mes liens avec ses cultures souterraines m’ont amené à penser la ville post-moderne comme terrain de jeu, espace propice à la mise en épreuve de théories et pratiques de résistance politique et culturelle. M’appuyant sur une expérience du déplacement sous la forme d’allers-retours, j’étudie des cas urbains précis qui, mis en perspective, dépassent leur propre histoire pour toucher à celle de la ville contemporaine en général. Mes recherches actuelles sont orientées vers les villes nouvelles et les écoquartiers, bassins qui cristallisent nombre de phénomènes (rapports au politique et à la planification urbaine, paysages en chantier permanent, dimension fictionnelle), et dont la lecture nous offre la potentielle image d’une époque, de ses systèmes, ses évolutions et les dysfonctionnements institutionnels qui l’habitent.
Art et espaces publics : déplacer les formes, inventer des usages
08.11.2023
Parcours proposé par Philippe Dorval, enseignant d’arts plastiques et développement culturel au Département Carrières sociales de l’Iut de Rennes. Ses publications portent sur l’art contemporain et sa réception.
L’art dans les espaces publics facilite l’accès aux œuvres par suppression de l’effet de seuil de tout lieu d’exposition. Faire cette expérience effective et sensible nécessite alors disponibilité des sens et de l’esprit, hors des espaces de monstration qui, justement, préparent la perception. En diversifiant et en augmentant les surfaces de contacts avec les pratiques artistiques, cela constitue une forme d’idéal démocratique. Changer d’échelle et de contexte ou déplacer les références sont autant de de voies largement explorées par des artistes. Dans des parcs urbains, des sculptures surdimensionnées décalent le quotidien et y amènent une critique grinçante et ambigüe de l’économie capitaliste érigée en […]
L’art dans les espaces publics facilite l’accès aux œuvres par suppression de l’effet de seuil de tout lieu d’exposition. Faire cette expérience effective et sensible nécessite alors disponibilité des sens et de l’esprit, hors des espaces de monstration qui, justement, préparent la perception. En diversifiant et en augmentant les surfaces de contacts avec les pratiques artistiques, cela constitue une forme d’idéal démocratique.
Changer d’échelle et de contexte ou déplacer les références sont autant de de voies largement explorées par des artistes. Dans des parcs urbains, des sculptures surdimensionnées décalent le quotidien et y amènent une critique grinçante et ambigüe de l’économie capitaliste érigée en totem (Delphine Lecamp ou Jacques Villeglé). Des tags urbains transposés en mosaïque Odorico deviennent motifs décoratifs pour les baigneurs d’une piscine (Nikolas Fouré). Get Up, idéal des graffeurs autant qu’invitation politique, est peint en lettres géantes sur le sol de places urbaines plutôt délaissées mais visible… surtout depuis les étages élevés et vient inverser les points de vue (David Renault & Mathieu Tremblin). A rebours de l’uniformité des halls d’immeubles, Jean-Francois Karst a accompagné des habitants pour concevoir collectivement et réaliser trois peintures géométriques singulières, redonnant caractère et intérêt à des espaces devenus depuis lieux habités et vivants.
Certaines œuvres suggèrent de nouveaux usages. Thomas Tudoux détourne la bienséance éducative (Tiens-Toi Bien !) par des pictogrammes insérés dans un maison pour adolescents mais dans une logique chorégraphique et poétique. La Cité volatile de Laurent Duthion évoque un lotissement standardisé pour oiseaux, nichoir collectif suspendu dans l’arbre d’un accueil de loisirs, pour le plaisir des enfants. Concrete figures d’Hervé Beurel est une sculpture constituée de répliques de socles de 1% universitaires qui n’attendent que des présences humaines venant les activer. Dans un jardin d’insertion, La patate chaude de Nicolas Floc’h agit comme signal artistique mais abrite aussi en son sein les moments de pause des travailleurs et fait du lien.
Si, en accord avec Robert Filliou, « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », aucun doute que les créations des artistes pour les espaces publics n’y contribuent puissamment, venant artialiser nos quotidiens.