Le travail de Samir Mougas apparait comme un champ d’expérimentation esthétique, mêlant formes observées, parfois empruntées, à des displays d’agencements dans lesquels elles se côtoient. Déployant un vocabulaire formel très fourni et documenté, qui emprunte autant à la bio-diversité qu’à l’industrie et ses machines, les oeuvres de Samir Mougas semblent pourtant résister au regard, paradoxalement à l’immédiate séduction qu’elles opèrent. Sculptures et volumes réduits parfois à leur pure surface, à une matérialité qui semble se retirer sous le poids du regard, comme si l’artiste nous invitait à regarder non plus frontalement — mais de biais. Car, dans ses oeuvres, ce sont moins les formes que les signes, qui […]
Le travail de Samir Mougas apparait comme un champ d’expérimentation esthétique, mêlant formes observées, parfois empruntées, à des displays d’agencements dans lesquels elles se côtoient. Déployant un vocabulaire formel très fourni et documenté, qui emprunte autant à la bio-diversité qu’à l’industrie et ses machines, les oeuvres de Samir Mougas semblent pourtant résister au regard, paradoxalement à l’immédiate séduction qu’elles opèrent.
Sculptures et volumes réduits parfois à leur pure surface, à une matérialité qui semble se retirer sous le poids du regard, comme si l’artiste nous invitait à regarder non plus frontalement — mais de biais. Car, dans ses oeuvres, ce sont moins les formes que les signes, qui séduisent le regard, pour mieux le perdre ensuite ; l’interroger tout du moins.
Dès lors, son travail invite le spectateur à se confronter à des formes désistantes* ; des surfaces qui se font images et des signes qui ne nous indiquent plus qu’une relation signifiant/signifié vidée, à combler. En incitant le spectateur à y regarder à deux fois, à questionner l’évidence de leurs formes pour en déconstruire les rouages sémantiques et plastiques, les oeuvres de Samir Mougas semblent parvenir à temporiser le regard que nous leur portons. L’artiste se fait sculpteur d’espace, détournant l’expérience du regard en un temps de construction sémantique de la forme.
De ces signes mis en forme, ré-investis dans leur interprétation, apparait une « imagination du signe »** affirmant la dimension sensible à l’oeuvre dans l’acte même de vision. Samir Mougas s’évertue sans cesse à créer les conditions d’apparitions d’un étonnement, d’un regard neuf, pour permettre au spectateur d’échapper un instant aux manifestations culturelles, économiques et politiques qui jalonnent notre quotidien.
- « Désistance », Jacques Derrida, préface à Typography, de Philippe Lacoue-Labarthe, Harvard University Press, 1989.
** Roland Barthes, « L’imagination du signe » dans Essais Critique, Paris, Seuil, 1964.
Extraits du texte “Regard double”d’Emma Cozzani, écrit en mai 2015.