Marcel
Dinahet

19.09.2024

Sur la mer

Jean–Marc Huitorel, Rennes le 5 décembre 2014

Un bateau en feu dérive sur une mer calme à la tombée flamboyante du jour. Malgré l’absence de repères d’échelle, on devine, au vigoureux ballottement auquel elle est soumise, qu’il s’agit d’une embarcation de modestes dimensions. C’est le temps du passage du jour à la nuit, quand la lumiére colorée du crépuscule cède au noir, dans le strict temps du tournage, un seul plan, sans montage, pas la moindre anecdote visuelle. Le bateau brûle de l’intérieur, sans que sa coque métallique ne cède aux assauts du feu.

Un bateau en feu dérive sur une mer calme à la tombée blafarde du jour. L’humble carcasse en bois se consume lentement jusqu’à rougeoyer de braises, une fois les flammes rabattues. Au fur et à mesure de sa combustion, on dirait un drakkar dont la proue relevée se dresse tel un cou de poulet déplumé. Selon le cadrage, tantôt le navire occupe une surface close sur elle–même, la mer; tantôt on aperçoit la ligne d’horizon, un cap dont l’extrémité dessine une oblique noire sur le paysage.

Depuis le début des années 1990, quand Marcel Dinahet soumettait sa sculpture à l’épreuve du temps par le moyen de la vidéo, et où il immergeait des objets qu’il allait filmer sous l’eau, il n’avait jamais plus eu recours à la fabrication d’artefacts tridimensionnels. Il fallut sans doute qu’un événement d’importance se dressât sur son chemin pour qu’il décide d’en concevoir de nouveaux. Ses premières sculptures, d’abord façonnées puis réduites à de simples galets, instauraient la présence, fût–elle inaccessible. Les bateaux qui brûlent se placent quant à eux dans la longue lignée des rituels, intemporels aussi bien que fichés dans l’existence spécifique des hommes. Et ce galet qu’il plaçait dans l’immortalité des fonds marins ou lacustres, voici qu’il l’éprouve à nouveau quoique sous forme humaine, une imbrication de trois corps de danseurs dont la compacité lente roule sur un plancher immense comme la mer, avant de disparaître peu à peu dans l’ombre du fond, tel un crépuscule dont la dimension temporelle revêtirait à nouveau les emblèmes de l’espace.