Nicolas
Floc'h

01.12.2021

De l'usage de l'art

Par Jean-Marc Huitorel, in Semaine "Nicolas Floc'h, le Récif d'if".
Chateau d'If / FRAC PACA, N°21, 2013

L’une des oscillations majeures et structurantes de l’art du 20ème siècle et jusqu’à aujourd’hui se situe dans le rapport complémentaire autant que conflictuel entre la rigueur formelle d’une large abstraction géométrique et la revendication de l’organicité, du corps expressif et agissant dont l’une des formes récurrentes fut celle de la performance. À sa manière, le circuit du ready made, de son extraction sèche des griffes du réel (du BHV au musée) jusqu’à sa réinjection plus ou moins convaincante dans le flux des usages (Pinoncelli, sans parler des innombrables porte-bouteilles réemployés par les artistes et les designers), résonne en écho permanent au conflit de la chair et de l’esprit. L’œuvre entière de Lygia Clark, dans une région du monde où la synthèse entre l’anthropologie et l’art d’avant garde était encore possible, témoigne de façon exemplaire du retour de l’expérience corporelle, d’une réincarnation de ces formes que le constructivisme, y compris dans les premiers temps de son travail, avait cru pouvoir élever au-dessus des contingences. Cette tension polymorphe trouve depuis une dizaine d’années et au-delà des phénomènes générationnels, un regain de pertinence et de fécondité, plaçant l’art aux frontières de ses définitions autant que de son exercice, brouillant les catégories, revisitant des contrées que l’idéologie avait littéralement gelées. Dans ce contexte, s’il est un artiste qui concentre et qui soumet à l’épreuve de l’œuvre la plupart de ces questionnements, c’est bien Nicolas Floc’h qui, en 2004, conçoit Beer Kilometer, un agencement de cannettes de bière long d’un kilomètre et offert à la consommation des visiteurs, pour finir dans le chaos qu’on imagine. Brusquement, le Mètre Étalon de Duchamp autant que le Broken Kilometer de Walter de Maria passaient sous les fourches caudines de la mousse, de l’excès, du rot et de l’ivresse, de l’exercice programmé du désordre. Quelques années auparavant, les Structures Multifonctions, Frac Lorraine Portable et autre Portable Art Structures, se présentaient comme des modules géométriques tout habités de la mémoire des specific objects et prêts à servir qui comme bureau, qui comme stockage, qui comme cimaises, comme éléments de scénographie… Ce à quoi on les utilisa. De même Performance Paintings (2007), en verticalisant au mur des tapis de danse sous formes de tableaux, témoignait de cet intérêt pour le va et vient entre praticabilité et représentation. Cette articulation de la forme et de l’usage constitue plus que jamais le cœur du travail de l’artiste et ce dernier projet tout particulièrement. (…)

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