François
Feutrie

12.09.2024

The Medium Is The Message

The Medium is the message, 2017
Cuivre poli miroir irisé par la chaleur, œillets laiton, broche acier laqué blanc, médium, deux pièces de 116 x 116 x 20 cm chacune. Collection Fonds communal d’art contemporain, Rennes

The Medium is the message, 2017
Travail en cours, vue d’atelier, tôle de cuivre poli miroir pliée & irisée par la chaleur, tube de cuivre oxydé & irisé.

Vue de l'exposition collective « Sculpter. Faire à l'atelier », 14 mars — 27 mai 2018, Frac Bretagne, Rennes. Avec, du premier au dernier plan et de gauche à droite les œuvres de : Elsa Sahal, Katincka Bock, Patrice Carré, François Feutrie. Photo : Marc Domage © François Feutrie / ADAGP, Paris, 2022

François Feutrie a longtemps réfléchi à la question du paysage. En proposant des «Paysages d’intérieurs» ou des «Fictions souterraines», il a joué avec le genre et développé une compréhension du paysage comme géologie plutôt que topographie. The Medium is the message change de champ. Le titre est issu du fameux ouvrage du théoricien des médias, Marshall McLuhan, Understanding Media (1964). En déclarant que «le médium est le message», McLuhan propose de déplacer l’attention du contenu transmis au moyen de communication lui-même, la modalité de communication qu’inaugure un médium constituant la véritable information, le véritable message. Dans le domaine artistique, la position de McLuhan fut utilisée pour exprimer l’importance que le modernisme accordait à la spécificité de chaque médium plastique, exigeant de l’œuvre qu’elle ne véhicule aucun message excédant la réaffirmation des qualités propres à ce médium. La peinture se devait ainsi d’affirmer la planéité de la toile et exclure toute illusion de profondeur.
C’est une reprise joueuse de McLuhan que propose François Feutrie. D’abord, parce que son œuvre se situe hors des catégories du modernisme et qu’elle exploite allègrement les effets illusionnistes du cuivre poli. Ensuite, parce qu’il livre du médium une interprétation matérielle littérale en découpant les deux treilles distordues dans deux planches de médium auxquelles il superpose des feuilles de cuivre, métal conducteur et composante matérielle de la plupart des supports de communications techniques étudiés par McLuhan.

© Nina Léger, dans le catalogue de l’exposition «Sculpter (Faire à l’atelier)», éditions Fage, mars 2018

Dans cette pièce, la grille en médium évoque les treillages. On les trouve généralement dans les jardins, ils servent de décor ou de support à des plantes grimpantes (notamment la Treille). Ici, les grilles soutiennent chacune une tôle de cuivre poli miroir, qui fait office d’écran occultant. Percées d’œillets laiton et supportées par deux broches pour grilles de présentation, les tôles de cuivre ainsi exposées renvoient à l’univers de l’archivage ou de rangement et de classification dans la grande distribution. Les grilles simulent par leur dessin en plan une déformation dans l’espace. Leur déformation semble suivre les irisations du cuivre produites par une violente chaleur. Telle une peinture suspendue représentant une image en mouvement arrêté, la chaleur se propage en marquant le cuivre par diffusion/irisation en surface et communique de part en part. Le titre de cet ensemble de pièces est un clin d’œil au théoricien de la communication Marshall Mcluhan et évoque son idée maîtresse: «The Medium is the message» (1964), soulignant que le canal de communication utilisé constitue en fait le véritable message. Le matériau cuivre me fascine pour les différentes propriétés qu’il contient. Je cherche à découvrir, par sa manipulation, son pouvoir d’artéfact en l’altérant par des actions de polissage et d’irisation par chauffage. Le cuivre rend tangible une métaphore de la circulation et de la conductivité: conducteur d’électricité et de chaleur, ainsi qu’il peut transporter des fluides telle que l’eau en plomberie et chauffage. Subsistent encore des câbles de communication longue distance en cuivre qui transportent les données de réseaux, progressivement remplacés par de la fibre optique. L’utilisation du cuivre et sa composition évoque la notion de flux tout en étant écran/miroir par l’image reflétée lorsqu’il est poli. Le terme «poli» suggère un double sens. Il évoque à la fois le langage et un comportement («conforme aux règles de la bienséance, au respect des convenances»), ainsi que l’état d’une surface lisse et brillante.