Eva
Taulois

01.07.2022

I Never Play Basketball Now

Diagonale, Montréal, Canada

De gauche à droite :
#1, 2015
Vinyl, toile de coton, 200 x 160 cm.

#2, 2015
Toile de coton, acrylique, 150 x 85 cm.

#7, 2015
Toile de coton, acrylique, ouate, fil, 100 x 140 cm

#6, 2015
Toile de coton, acrylique, 120 x 150 cm

/

1ère image
Diplay Unit - D, 2015. Bois, résine, acrylique, caoutchouc, 25 x 44,5 x 20 cm.
#3
, 2015. Toile de coton, acrylique, 100 x 150 cm.

2ème image
#3, 2015. Toile de coton, acrylique, 100 x 150 cm.

/

1ère image
#4, 2015. Toile de coton, acrylique, 150 x 95 cm
#6
2015. Toile de coton, acrylique, 120 x 150 cm

2 ème image
#4, 2015. Toile de coton, acrylique, 150 x 95 cm
#6
, 2015. Toile de coton, acrylique, 120 x 150 cm

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#1, 2015
Vinyl, toile de coton, 200 x 160 cm.

#2, 2015
Toile de coton, acrylique, 150 x 85 cm.

/

1ère image
Display Unit - D2015. Bois, résine, acrylique, caoutchouc, 25 x 44,5 x 20 cm.
#3, 2015. Toile de coton, acrylique, 100 x 150 cm.
#5, 2015. Toile de coton, acrylique, 100 x 95 cm.
Display Unit - A
, 2015. Bois, tissus, acrylique, caoutchouc, 25 x 76,5 x 20 cm.

2ème image
Display Unit - A, 2015. Bois, tissus, acrylique, caoutchouc, 25 x 76,5 x 20 cm.

3ème image
Display Unit - D

4ème image
Display Unit - C,
2015 
Bois, toile de coton, mousse, acrylique, ouate, néoprène
25 x 106 x 20 cm

Photos : Julien Discrit

JE NE TE REGARDE PAS POUR TE DÉRANGER MAIS POUR TE TROUBLER…

Ce n’est pas moi qui le dit, mais le chanteur du groupe britannique Prefab Sprout dans la chanson de 1984 qui donne son titre à l’exposition d’Eva Taulois, I never play basketball now. Un titre sibyllin qui englobe tous les éléments rassemblés chez Diagonale au terme de trois semaines d’autoconfinement dans la salle en L. Des oeuvres de textile et des objets disposés dans des étagères de bois fin ou enfilés sur des barres de métal se sont élevés dans l’espace, tous en lévitation. Dans cet entre-deux, les pièces semblent être restées en attente, d’une manipulation ou d’une emprise, c’est selon, résolues à déjouer la rectitude avec laquelle elles sont montrées. Le visiteur se déplace parmi ces pistes possibles, contourne des pièces à regarder comme des étendards, le cou légèrement basculé dans un rapport au corps et à l’usage contrarié, tout en jaugeant d’autres, tout aussi mutiques malgré des couleurs et des formes gaies, à hauteur de main ou de regard.

Des chevrons bicolores rose incarnadin et vert opaline animent la surface d’une sorte de kimono, en similicuir, raide et inhospitalier. Tendu comme une bannière vestimentaire dans la fonction reste incertaine, son revers reste brut, fait de ce coton haut de gamme au tombé lourd avec lequel Eva Taulois a si souvent oeuvré et qu’elle a aussi privilégié pour d’autres toiles, peintes celles-ci. Des arcs de cercles en souvenir du patron d’une jupe corolle, une tunique gansée au revers de tissu bleu marine dont les chevrons préfabriqués sont plus serrés, un rectangle à encolure, un débardeur à bords francs, forment cette collection disparate qui en appelle autant au vocabulaire de la confection que de la peinture. Les motifs qui y sont apposés endossent une manière de « désapprentissage » du peint : traits diagonaux rouges où la brosse a laissé sa trace, vagues orangées, graphie entrelacée bleue ou verte, aplats biomorphiques. Les «objets», peints également, sont tout aussi peu loquaces. Eux aussi partagent la réflexion picturale en volume d’Eva Taulois qui a touché ces surfaces de coton impropres à la peinture ne permettant aucun repentir, aucune reprise. Glaçage jaune, vaguelettes bleues sur fond rose, pois multicolores sont autant de signes cryptés sur une multitude de choses bien rangées. Les oeuvres textiles résistent autant au laisser-aller inhérent à leur matière que ces formes se défaussent de la pesanteur de leur silhouette par la légèreté de leurs matériaux (polystyrène, plasticine, tissu).

Eva Taulois a changé sa méthode de travail avec cette exposition. En amenant ses matériaux, en travaillant directement dans l’espace d’exposition, en s’adonnant à la peinture, en tentant avec cet accrochage en apesanteur un effet d’ensemble littéralement instable, elle se départit d’une programmatique rassurante. Les « membres » du jeu dont elle expérimente les règles tout en façonnant ses « outils » déjouent la frontalité, assument leur endos. C’est donc bien par le revers, par la bande même, que se joue le sort d’I never play basketball now. Cette exposition compose un moment, une configuration en attente dont la visite ne parvient pas à déterminer l’avant de l’après ; elle est loin d’être terminée, jouant sur les mécanismes des objets embarrassants. « L’expression anxious objects (« objets embarrassants ») a été forgée par le critique Harold Rosenberg; elle s’applique à certaines formes d’art moderne que nous ressentons comme troublantes […] Parce qu’ils provoquent la tension et la confusion, les anxious objects nous obligent à problématiser nos impressions visuelles. Ils nous forcent à remettre en question nos réflexes habituels, à trouver des approches plus fines, plus opérantes … » explique Suzi Gablik dans Le modernisme et son ombre (1984). De fait, Eva Taulois a construit un environnement «embarrassant» au sens rosenbergien du terme, un ensemble qui pousse à se départir de son savoir, à aiguiser sa perception. Je ne te regarde pas pour te déranger, mais pour te troubler… comme dirait la chanson.

Bénédicte Ramade,
2015

Ce projet a reçu le soutient de l’INSTITUT FRANÇAIS et de la Ville de Nantes

© Adagp, Paris