Aurore
Bagarry

25.08.2023

Les formes de l'eau

Magali Nachtergael, 2021
Texte extrait du catalogue « Regard du Grand Paris », Commande photographique nationale 2016-2021, coédition Textuel, Centre national des arts plastiques et Ateliers Médicis, avec le soutien de l’ADAGP

Le Bassin parisien, comme son nom l’indique, est une dépression géologique dont le socle est composé de roches sédimentaires principalement d’origine aquatique. Son paysage et sa morphologie ont été ainsi façonnés par le travail millénaire de l’eau, telles des sculptures naturelles et immémoriales. Après avoir travaillé sur les glaciers, Aurore Bagarry s’intéresse à d’autres formes du flux aquatique dans la région parisienne. La série de trente et une photographies se divise en trois ensembles. Le premier, « Grand Paris Océan », documente les traces laissées par les anciens océans : accompagnée de géologues et de paléontologues du Muséum national d’Histoire naturelle, elle documente la variété géologique des sols franciliens. Craie, calcaire marin, lacustre ou corallien, gypse, grès, mers de sable et fossiles composent un panorama paléontologique sous-marin de la région. Le deuxième suit le tracé d’un ouvrage d’art du XVIIe siècle, l’aqueduc Médicis, qui alimente encore aujourd’hui Paris en eau des sources de Rungis. Son chemin, principalement sous terre, est marqué par des « regards », petites bâtisses en pierre disposées de Fresnes, Arcueil, L’Haÿ-les-Roses, Gentilly à Paris, qui permettent de descendre inspecter les canalisations mais aussi d’oxygéner l’eau. Les mystérieuses maisonnettes jouxtent les habitations modernes, tandis que d’autres sont ouvragées en somptueuses cascades artificielles ou fontaines néo-classiques. La dernière série, « Éther » est composée de deux photographies de la voûte céleste, montrant deux constellations « aquatiques », celle du Dauphin et celle du Cygne. Dans ces paysages urbains ou naturels, les constructions en pierre taillée de main d’homme contrastent avec les roches-mères qui se déclinent en cavités naturelles de l’époque Eocène (- 54 à - 44 millions d’années), en rochers boursouflés comme la « gogotte » du Rupélien (- 23 millions d’années) et coquilles fossilisées d’une période qui a vu apparaître les premiers mammifères modernes. Prises à la chambre grand format, les images forment une constellation qui va du passé le plus lointain pour tracer la ligne d’un futur commun, dans lequel l’eau occupe une position centrale à l’heure de l’Anthropocène.

Magali Nachtergael