Julie
Hascoët

30.05.2024

Carrara, il crepuscolo della montagna

2021-2024

Carrara, il crepuscolo della montagna associe une recherche photographique avec une documentation historique et militante, dressant un portrait de Carrare au travers de ses luttes et de l’évolution de son paysage. Ce projet donne à voir les liens qu’entretiennent les pratiques politiques avec un territoire donné - ici, celui des carrières de marbre - depuis la fin du XIXème siècle jusqu’à l’heure du capitalocène.

C’est une petite ville, coincée entre la mer et la montagne.
La plaine est une vaste zone industrielle.

Depuis le port, on observe la valse des porte-conteneurs qui s’en vont vers le large ; on arpente la marina - hameau de campings aux bungalows déserts, fermés pour la saison ; on marche sans but, aux premières heures du soir, le long d’une voie ferrée qui a oublié sa destination. Un désordre de cyprès borde le rivage, les camions ralentissent la cadence sur la route principale. Ce n’est pas une de ces villes côtières propice au tourisme des plages, pas une carte postale. La mer se retire, grise et sale, une mer de métal - comme la coque ternie des navires qui raturent l’horizon.

Au loin, sur les hauteurs, la chaîne des Alpes apuanes se teinte d’un voile rose à mesure que le soleil descend. Étincelants, les sommets sont d’une blancheur de neige : on pourrait s’y méprendre. En grec, marmaros signifie roche resplendissante ; pourtant, dans ce coin isolé de Toscane, la montagne a perdu de sa superbe, endommagée par une industrie grandissante qui en a dévoré les sommets.

Le panorama se divise en plusieurs bassins marmifères, offrant au promeneur un spectacle aussi fascinant qu’effroyable : un relief rongé de toutes parts, livré à l’appétit vorace d’une myriade de machines toujours plus performantes.

On connaît Carrare pour ses marbres, moins pour son histoire politique.

C’est pourtant dans ce paysage de carrières aux découpes franches et froides que s’est développée, au cours des siècles derniers, une expérience particulière de la révolte et de l’insubordination. Bastion de l’anarchisme depuis la fin du XIXème, la ville a vu se transmettre et se transformer un ensemble de pensées et de pratiques, de revendications et de luttes qui, appliquées à ce territoire à la géographie si singulière, forment un ensemble pour le moins détonant.

Photos: Julie Hascoët