Yves
Picquet

13.12.2021

Petits collages

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Le collage d’un art à l’autre

Chez Yves Picquet (1942), le collage constitue un moyen d’introduire la mémoire d’une autre activité, liée à son métier de sérigraphe, qui a longtemps été son quotidien, n’en conservant qu’une sorte de résidu susceptible d’échapper aux contraintes fonctionnelles de départ. En nettoyant ses écrans, il avait constaté que les macules (feuilles de carton posées sous les cadres sérigraphiques), comportaient des traces de peinture, de solvant et autres accidents divers, et qu’elles pouvaient donc être utilisés comme des fonds pour des collages, avec l’ajout, par exemple, de papiers de soie, qui viendraient plus ou moins en transparence. En outre, dans son laboratoire photographique, des morceaux de film inutilisés (Kodalith), pour des travaux de commande s’accumulaient, des plaques qui avaient jauni avec le temps s’étaient agglutinés. L’utilisation de typons constitués de bouts de films lui permit par ailleurs, au cours des années 1990, de sortir de la rigidité du cadre traditionnel. Un peu plus tard, il expérimentera une technique de décollage en adoptant pour macules des voiles non tissés (Tyvek) utilisés dans l’industrie pour imprimer des supports comme des calicots, banderoles, etc. Ce matériau étant composé de deux ou trois strates, il en pelait une, de façon à révéler une partie de l’imprégnation du colorant qui s’était déposé à travers le Tyvek lors du séchage de toiles peintes. Cette activité de déchirement représentait pour lui une forme, comme inversée de collage qu’il qualifie de « décollage à risque », en raison de la part de hasard qu’elle suppose. Dans de telles œuvres, Y. Picquet joue également sur des effets de pliage, afin de cacher en partie la structure initiale, un recouvrement avec un blanc très transparent lui permettant ensuite d’introduire une sorte de silence. Il tirait également partie de petits morceaux de scotch servant à raccorder différents fragments destinés à la réalisation de typons pour l’impression sérigraphique qui, une fois retirés, ouvraient de petites fenêtres sur certaines parties de la planche. Le collage lui a ainsi servi à opérer un transfert physique capable d’engendrer une nouvelle utilisation d’un matériau, à l’origine strictement utilitaire.

Jean-Yves Bosseur, éditions Minerve, 2010.