Yves
Picquet

13.12.2021

Pliages-dépliages

/
/

Pliages/dépliages, 1984/1991
Texte de Anne Frostin pour la plaquette des expositions Parcours : Lycée de l’Harteloire, galerie A.R. Brest et Carré noir Landerneau en 1991

Le travail d’Yves Picquet demande à être parcouru. Ce n’est pas une platitude en forme de préambule car ici le geste procède d’une trace reprise d’un « déjà là » Ni un commencement ni un moment originel… Que l’on plie ou que l’on déplie, c’est l’élan toujours second d’un dépôt qui ne cesse de resurgir sous la série des variations et des recouvrements.
La toile froissée, laminée, a enfanté de lointaines naissances ; le blanc est lourd de la vie et de la puissance des couleurs qu’il prétend éteindre.
Les pans ne sont pas innocemment déployés : voilà les fonds oubliés qui adviennent à la surface mais les replis se déplissent pour de nouvelles perspectives. Ce n’est pas un envers découvert et la rétention ancienne ne s’inverse pas en une libre expansion… C’est moins une triomphale avancée qu’une nécessaire planification qui recense-de-nouveau -sous l’autorité du blanc - ses inlassables possibles.
Yves Picquet redécouvre des séries inépuisables et le visage de la toile n’est qu’un des points de vue sur les combinaisons.
Les architectures - comment ne pas appeler ainsi ces effets de volume - procèdent du même travail. Si le dépôt initial est d’une autre nature, il faut là aussi laisser être et contraindre les divers matériaux. Les éléments singuliers se superposent, mais là l’effet de recouvrement est assumé par des matières transparentes, raclées au blanc qui ouvrent des séries de perspectives.
Le rouge flamboyant, le jaune agressif n’agissent que sourdement comme l’écho de batailles. De même la délimitation et la juxtaposition des plans sont, en fait, le résultat de glissements variables et arbitraires que seul l’artiste arrête et accepte.

Face aux constructions de Picquet qui retiennent ce qui grouille sous des tutelles autoritaires, on pense, par un effet pervers, à la période des architectures de Franck Stella - 1983 à 1988 - qui débordent de leurs courbes et volutes, l’espace.

Mais l’avancée du travail ne cesse de montrer que l’économie procède des écarts et des excédents. Cette peinture silencieuse, quasi monochrome, ces volumes en « mouvements arrêtés » ne sont que les effets de surface de rapports belliqueux.
Ainsi la référence à Stella n’est pas la plus absurde et elle est peut-être plus intime que le « formalisme » le « minimalisme » auxquels un jugement trop hâtif nous conduit.

Anne Frostin, 23 octobre 1991

/