Rika Tanaka travaille des matières vivantes. Elle observe la façon dont le temps marque les surfaces qui se craquellent, se fissurent et perdent leurs couleurs. Elle considère la métamorphose des volumes qui s’atrophient, se restreignent, se concentrent. Par de discrètes opérations, elle accompagne et souligne ces transformations, osant parfois l’ornement dans une pratique dont les objets rappellent l’Arte Povera, composant d’étranges natures mortes par association d’éléments végétaux, minéraux ou artificiels.
Pour Passion, elle fait courir une ligne dorée sur les crêtes d’un fruit desséché. Ayant rendu précieuse dégustation, elle place le fruit sur un socle qui, par sa ressemblance avec un bénitier, change le fruit tout à la fois en perle naturelle et en objet sacré. Une même célébration de l’objet métamorphosé par le temps anime l’Ananas sur colonne. Plaçant le fruit sec et brun sur une colonne de bois, Rika Tanaka accorde cette dernière à la peau du fruit en y gravant un motif qui semble prolonger ses écailles – à moins qu’il n’imite les alvéoles d’une ruche, comme le laisse suggérer la cire d’abeille que l’artiste instille dans le dessin du bois. Il arrive aussi que Rika Tanaka s’empare d’objet dont le temps passé, comme le fossile de corail qui, placé sur un support de plâtre, compose une blanche Île flottante. En utilisant à nouveau, et discrètement, l’or, elle travaille les alvéoles du corail qui luit alors d’une lumière étrange, comme une animation à peine perceptible. Parfois, ce n’est pas dans la durée que Rika Tanaka observe les métamorphoses des matériaux, mais plutôt en révélant leurs dessous, leurs profondeurs dissimulées. Il en va ainsi de son Tiger’s Eye, composé de pieds de tabourets qu’elle a décapés afin de révéler le dessin sous- jacent du bois, mettant au jour des nœuds pareils à des dizaines d’yeux soudain ouverts. La matière qui dormait sous le vernis est ranimée et rendue à la vie.