Hoël Duret écrit les récits picaresques de notre décennie finissante, celle d’une lente et confuse sortie de l’anthropocentrisme. Là, les loosers magnifiques ne sont plus uniquement des marginaux ayant décidé par refus des systèmes établis de se placer hors jeu. Ils préfigurent de notre sort à tous, humains diminués et désemparés, engourdis par l’habitude au long cours de conquérir et d’asservir, et désormais propulsés dans un monde à nouveau sauvage. Désormais, l’alternative est la suivante : s’allier avec les autres vivants ou s’étioler lentement avant de disparaître totalement. Dans un monde rendu à l’état de totalité inorganisée, les narrateurs de […]
Hoël Duret écrit les récits picaresques de notre décennie finissante, celle d’une lente et confuse sortie de l’anthropocentrisme. Là, les loosers magnifiques ne sont plus uniquement des marginaux ayant décidé par refus des systèmes établis de se placer hors jeu. Ils préfigurent de notre sort à tous, humains diminués et désemparés, engourdis par l’habitude au long cours de conquérir et d’asservir, et désormais propulsés dans un monde à nouveau sauvage. Désormais, l’alternative est la suivante : s’allier avec les autres vivants ou s’étioler lentement avant de disparaître totalement. Dans un monde rendu à l’état de totalité inorganisée, les narrateurs de l’artiste sont tour à tour designer (La Vie Héroïque de B.S., 2013-2015), câble de fibre optique doté de conscience (UC-98, 2016-2018), journaliste reporter (Too Dumb to Fail, 2018), aventurier peureux (Life is old there, 2019) ou tout simplement, comme dans le dernier projet en date, artiste (Drop Out, 2020). Autour de l’armature d’un récit mené sur plusieurs chapitres, Hoël Duret vient brosser par petites touches un écosystème composé de multiples personnages et de leurs points de vue choraux. L’entreprise est totalisante, presque wagnérienne. Ces narrateurs, nous leur emboîtons à notre tour le pas. Nous nous laissons entraîner sous la mer parmi les méduses en plastique et les sirènes à la retraite (UC-98), à bord d’un paquebot infernal (Too Dumb to Fail) ou venons nous échouer mollement sur une plage (Life is old there). Ou encore, nous nous retrouvons propulsés dans un futur spéculatif alors qu’une crise écologique majeure vient d’éclater, qui teinte le jour de jaune et provoque l’afflux vers la Nouvelle-Zélande de richissimes réfugiés climatiques de la Silicon Valley (Drop out).
Ingrid Luquet-Gad