Yes, we don't
Durant les années 2000, Francesco Finizio développe des dispositifs qui poursuivent son exploration des questions de transaction, de circulation et d’expérience, et sa mise à nu de la difficulté de transmission. Procédant toujours par résonances visuelles et associations d’idées, il se livre à diverses expérimentations, qui passent par le jeu ou la rêverie et qui frôlent souvent l’absurde.
Les œuvres de Finizio sont souvent des dispositifs d’écoute et de transmission, qui rendent l’action incertaine, suspendent le temps et échappent totalement à une logique de productivité, de performance et d’exactitude. La transmission s’effectue alors toujours dans l’écart, la perte et l’approximation (Centre de Tri Visuel, 2002-2003). Finizio questionne notre potentiel d’expérience dans un monde ultra-contrôlé, commercialisé et préfabriqué.
Ce regard décalé et doucement critique, porté sur la société et ses stéréotypes, peut aussi faire intervenir la présence animale : Canary Island (2004) fait « piloter » de manière imprévisible par un canari la programmation musicale d’une station radio pirate.
Francesco Finizio aime mettre en friche ou en mutation des lieux, pour souligner un processus et pour mieux brouiller les frontières, par exemple entre le monde de l’art et celui de l’entreprise (How I Went In & Out of Business for Seven Days and Seven Nights, 2008 : galerie ACDC à Bordeaux devenue un chantier commercialisant successivement divers matériaux en sept jours). Dans cet intérêt pour les sites investis, pouvant devenir des no man’s land, Finizio réalise Jackson Hole (2008) qui parodie et parasite Neverland, le parc d’attraction créé par Michael Jackson.
Promise Park est une œuvre qui a d’abord été produite et présentée dans le cadre de la Biennale d’art contemporain des Ateliers de Rennes (Ce qui vient, 2010).
A Rennes, Francesco Finizio a investi un terrain constructible prêté par la société LaMotte Immobilier : « Prenant le parc comme point de départ (parc d’attraction, parc à thème, parcage de bétail ou zoo humain) j’ai abordé le site comme une mine dont il fallait épuiser les richesses ». Pendant plusieurs semaines, l’artiste transforme donc ce terrain vague en chantier pour un hypothétique parc d’attraction : des trous sont creusés dans le site, des installations provisoires y sont réalisées, dont il garde la trace par une série de photographies qui donnent lieu à l’édition de cartes postales. Pour restituer Promise Park, Francesco Finizio crée un environnement à l’esthétique de chantier, en contreplaqué et matériaux de récupération, dans lequel il met en vente la série de cartes postales. Trois vidéos sur moniteurs sont également encastrées dans le mur et diffusent des plans fixes du site.
L’artiste explique que le titre « convoque la notion de promesse d’un monde idéal à travers la mise à nu du signe (l’image, le cliché, le langage, les objets, l’action) et des mécanismes du désir ». Ainsi, le terrain vague se présente comme un chantier sans finalité, en perpétuelle transformation, dont l’artiste tente d’épuiser toutes les possibilités. Se succèdent des vues de cratères plus ou moins habités d’eau boueuse, de signalétiques de chantier, de mannequins costumés avec des vêtements récupérés, de pancartes écrivant, sur fond de soleil couchant et de paysage aride, des textes faits pour croire à un monde meilleur : « DAY DREAM », « FREE PARKING », « ELDORADO », « SPACE MOUNTAIN »…
Les vues de Francesco Finizio ont parfois un caractère hallucinatoire et semblent capter nos rêves collectifs à travers des projets de constructions toujours inachevés (restes de feux de bois, tipis improvisés, chaise longue, fauteuils, piquets de manifestations, pelles et pioches pour chercher un trésor…).
A l’image des parcs qui répondent toujours à une entreprise de domestication du monde et de la vie, Promise Park de Finizio joue sur l’attente d’une promesse et sur la déception qui s’ensuit, le projet de construction restant à l’état de désir.
Texte extrait du guide du visiteur, réalisé par l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne/Rhône-Alpes, pour l’exposition Yes, we don’t du 20 mai au 14 août 2011.