Contrant l’argument critique d’un art contemporain hors-sol, le travail de Damien Rouxel se fait sur le terrain, contribuant de l’intérieur à la compréhension et à la déconstruction des relations de pouvoir liées à certaines inégalités historiques et contemporaines d’accès et de partage de la culture.

Jouant avec les lieux et outils, familiers, du travail agricole, les codes vestimentaires et les gestes, sinon les rites, du monde paysan, il engage de nouvelles relations entre son milieu familial et son milieu culturel d’adoption1, initiant ainsi le passage d’un rite à l’autre, fragilisant les piliers accusateurs d’une culture hégémonique sectorisante et l’impossible dialogue entre monde rural et queercore.

En redéfinissant et en remettant en scène un nouvel album-photo de famille sur lequel se superposent les codes LGBTQ+ et les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art qui font notre “culture de l’image” vaguement commune, Damien Rouxel offre, par l’expérience, un accès joyeux et une appropriation de ces univers, faits de plaisirs et de partages.

Dans cette conception dionysiaque et populaire de l’art contemporain, les photographies, performances, installations et canevas de Damien Rouxel offrent les moyens de résister et d’échapper aux assignations comme aux affiliations, qu’elles soient artistiques ou familiales, en posant cette question centrale : quelle est ma filiation, quel est mon héritage ?

Comme de nombreu·ses·x photographes femmes et queer, l’attachement de Damien Rouxel à l’autoreprésentation tient autant de l’autobiographie, de l’autofiction, de l’invention d’une identité fluide et de la construction d’un personnage artistique à partir de sa propre biographie — s’affranchissant du même coup à la fois des questions de genre et de culture, notamment des règles du monde de l’art — que d’une volonté de déconstruire les imaginaires normatifs, patriarcaux, hétérosexuels, classistes, brisant du même coup la ségrégation sociale et culturelle des territoires ruraux.