Camille Girard
& Paul Brunet

MÀJ . 13.06.2025

Elsa et Björk

2024
Elsa, 2024
Encre, gouache, paillettes, stickers et film plastique, 30 x 42 cm
Björk, 2024
Encre, gouache, paillettes, stickers et film plastique, 30 x 42 cm

Vues de l'exposition collective Bloom à Zinzinerie, BAM, Rennes, 2024

Bloom, une exposition curatée par Lucie Férezou avec Marie Boyer, Emma Cogan, Valentine Gardiennet, Nolwen Gerrec, Camille Girard et Paul Brunet, Thaïs Guimard Perrine Lechevalier, Manoela Prates, Agathe Presselin, Soline, au BAM, lors du festival Zinzinerie à Rennes.

Photos : Lucie Férezou

Petites fleurs têtues

En décembre 2023, je rencontre Julie Doucet pour la preview de son exposition à la galerie Anne Barrault, à Paris. Elsa Delage, qui y travaille, me présente à l’artiste :
« C’est Camille Martin, la commissaire d’exposition qui voulait te rencontrer. »
Il se trouve que j’ai déposé quelques jours avant un dossier pour une bourse d’écriture. J’avais intitulé ce projet d’article « jeunes dessinatrices françaises et héritage punk ».

Devant Julie, je suis un peu impressionnée mais voyant qu’elle est encore plus timide que moi je me lance :
« J’aimerais mener des recherches sur les liens entre les dessinatrices d’une nouvelle génération et ce qu’il se faisait à partir des années 80. Et notamment votre travail. J’ai l’intuition qu’il est possible de faire un lien formel avec vos dessins et les leurs ; et aussi, j’ai l’impression qu’il faut parler du médium dessin dans ce qu’il raconte dans la vie des femmes, son rôle, les difficultés du milieu par exemple. »

Elle me sourit et me dit : « C’est une bonne idée. Le monde du dessin est horrible pour les femmes. »
Notre échange dure environ 1 minute. On fixe un prochain rendez-vous qui n’aura pas lieu. Je n’aurais pas la bourse d’écriture.

Quelques semaines plus tard, je retrouve Lucie Férézou dans un bar de la place Sainte-Anne à Rennes. Je discute avec elle de mon projet de recherche. Il se trouve qu’une autre artiste, Valentine Gardiennet, qui est aussi une copine en commun, lui en avait déjà parlé avec enthousiasme. Lucie capte tout de suite et m’encourage, en particulier sur ma volonté de rattacher la pratique du dessin au féminisme.
Elle me dit d’ailleurs qu’elle va curater une prochaine exposition pour la première édition d’un festival de fanzines à Rennes en mai prochain : « Je vais inviter que des meufs dont j’aime le travail. »

1 ou 2 jours après, Lucie me propose de participer à l’exposition en écrivant un texte. 
Après plusieurs tergiversations liées à mes galères d’emploi du temps, je trouve le moment de le rédiger. Vous êtes actuellement en train de le lire.

Alors, depuis ma première rencontre avec Julie Doucet, mes recherches n’ont pas tellement avancé. Mais pour l’exposition « BLOOM » que vous découvrez au moment de cette lecture, j’aimerais vous partager mes premières intuitions : Le dessin est souvent associé à une pratique féminine, contrairement à d’autres pratiques comme les grandes sculptures en bois ou en métal, par exemple. Pourquoi ?
Est-ce parce que dessiner, c’est comme rédiger un journal intime ? Et on sait que l’intimité, c’est un truc de filles, n’est-ce pas ?
Est-ce lié au fait que ce soit une pratique peu coûteuse ? Car oui, les femmes gagnent moins d’argent que les hommes.
Peut-être même que c’est lié à sa dimension écologique. Beaucoup de dessinatrices dessinent sur des rebuts, des bouts de papier qui traînent çà et là.
Et si le dessin permettait aussi de s’extraire d’un marché de l’art inégalitaire ? Vendre un dessin, ce n’est pas comme vendre une peinture, ne serait-ce que pour des questions de conservation. Et puis le dessin a le fanzine : un bon moyen de diffuser soi-même et à moindre coût. On en revient à l’argent !
Et comment se fait-il, malgré la féminisation du médium, qu’il soit si difficile d’être dessinatrice ?

En 1999, Julie Doucet décide d’arrêter la bande-dessinée à cause de la misogynie ambiante de ce milieu. Cette histoire me rend évidemment triste, car j’imagine cette artiste incroyable et seule, sans autres collègues dessinatrices avec qui s’encourager.
L’exposition « BLOOM » curatée par Lucie Ferezou, qui présente les dessins d’Agathe Presselin, Camille Girard & Paul Brunet, Emma Cogan, Manoela Prates, Marie Boyer, Nolwen Garrec, Perrine Lechevalier, Soline, Thaïs Guimard et de Valentine Gardiennet, est justement un espace de sororité.
Alors certes, vous ne trouverez pas forcément les insultes, le sang et les plottes bien trash semblables à celles de Julie. Cependant, il semble évident, encore aujourd’hui, qu’être une dessinatrice qui persévère, c’est punk.

« Si tu le veux demain tu peux, être avec nous »

Camille Martin