“En attendant Bruno” Des premiers espaces très dessinés aux derniers volumes surproduits, la pratique de Bruno Peinado tient tout entière dans la ligne claire qui ne cesse de parcourir son oeuvre, comme le grand contour du monde qu’il cherche à cerner dans ses pièces acidulées. Il découpe, trace et projette des icônes qu’on croirait sorties d’un badge, revendiquant soudain de façon effrayante ce qui relevait jusqu’à présent du domaine de l’accessoire. Car les arrangements de Peinado sont loin d’être inoffensifs : par une logique de métissage graphique, il démontre la possible mise en oeuvre d’une société où les univers symboliques se croisent, où les […]
“En attendant Bruno”
Des premiers espaces très dessinés aux derniers volumes surproduits, la pratique de Bruno Peinado tient tout entière dans la ligne claire qui ne cesse de parcourir son oeuvre, comme le grand contour du monde qu’il cherche à cerner dans ses pièces acidulées. Il découpe, trace et projette des icônes qu’on croirait sorties d’un badge, revendiquant soudain de façon effrayante ce qui relevait jusqu’à présent du domaine de l’accessoire. Car les arrangements de Peinado sont loin d’être inoffensifs : par une logique de métissage graphique, il démontre la possible mise en oeuvre d’une société où les univers symboliques se croisent, où les identités s’hybrident : tout cela rendu désirable par l’aspect agressivement séduisant de ces formes issues d’un drugstore imaginaire particulièrement bien fourni. Mais les formes piquent, renvoient des reflets monochromes, éblouissent ou tournent le dos au spectateur. Ceux qui connaissent Bruno Peinado savent alors que l’oeuvre est sans doute à l’image de l’homme, dont la devise pourrait être celle qui fut celle de Pierre Desproges jadis : “qu’on peut certes rire de tout, mais pas avec n’importe qui”.
Dorothée Dupuis
Extrait de “Text(e)s”, éditions Loevenbruck, Paris, 2009