Depuis une quinzaine d’années Bernadette Genée et Alain Le Borgne déplacent les codes de milieux et univers en apparence éloignés du monde de l’art.

En 2015, dans l’exposition “Hôtel particulier”au Musée d’art et d’histoire de Château-Gontier, ils mettaient notamment en situation deux blasons militaires de la collection du musée avec d’autres objets, photographies et document video dans l’oeuvre intitulée “De guerre lasse”.

En 2007 un blason a été créé pour l’exposition “1000 pavois ?” au Musée des Arts Modestes de Sète.

En 2000, Bernadette Genée concevait une série de cinq demies vestes militaires, des modèles réduits intitulés “Décorations civiles et militaires” aux insignes brodés déplacés du champ civil vers le champ militaire.

Depuis 1977 B.G. brode des motifs et des devises sur des objets textiles et des panoplies (“Panoplies de B.” Collection Fnac La Défense, Paris).

Quand l’héraldique rencontre l’herpétologie…

Au pied d’arbres remarquables du bois des Caures ou en forêt du Morthomme, dans la zone rouge de Verdun, on peut observer le “Sonneur à ventre jaune” dans les excavations boueuses et les trous d’obus. Bombina variegata croît sur les anciens champs de bataille où plus de douze mille individus sont aujourd’hui répertoriés. Son camouflage jaune et noir, différent sur le ventre de chaque crapaud, révèle son identité et le protège des prédateurs. Ces deux couleurs rappellent les attentes et galons droits ou en chevron portés par les militaires sur leurs tenues.

Si les blasons étaient par le passé les insignes guerriers des belligérants, aujourd’hui ce petit batracien à l’appellation évocatrice est emblématique de ces territoires meurtris. Son blason à la forme de l’animal représente le Sonneur à une échelle légèrement augmentée. Les plantes obsidionales apportées par les déplacements dus aux conflits, les insectes coprophages, coléoptères habitants de ces lieux sont tout aussi emblématiques de la forêt de Verdun.

Cette ancienne zone de combats est devenue le refuge de nombreuses espèces protégées.

C’est dans le cadre d’une recherche artistique en Meuse intitulée Chantiers infinis (labellisé par la Mission Centenaire de la Grande Guerre) que nous avons pu observer les espèces vivantes de la forêt de Verdun, interrogeant les questions de mémoire, accompagnés sur le terrain par des scientifiques, naturalistes, entomologistes, documentaristes etc.

Édition Blazers / Blasons II, 2017, Collection Piacé le Radieux, Bézard.

Ce projet est porté par le Collectif La Valise (Samia Oussadit et Pascal Leroux) accompagné des artistes Bevis Martin et Charlie Youle.
Couverture réalisée par les artisans : Amélie Doussot (relieuse d’art), Marine du Coudray (taxidermiste)
Photo : Carole Humeau

S’inscrivant dans une démarche globale et au long cours, Blazers / Blasons envisage la création au sens large : là où s’efface la frontière séparant l’hier de l’aujourd’hui. Alors se confrontent et se confortent des savoir-faire dans un rapport exiguë entre l’art contemporain, l’artisanat, la mode … et toutes les ramifications qui apparaîtront au gré du temps, des rencontres et des potentiels.

La seule constante est l’invitation faite à des artistes à réaliser leur propre blason, déclinaison de leur identité artistique dans un espace de 7 x 8 cm. Trois collections, présentées de 2016 à 2018, sont l’occasion d’explorer la question identitaire ainsi que la notion de multiples.