Yves
Picquet

13.12.2021

Prison(s)

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PRISON(S)

L’étape récente de la production de Yves PICQUET présente une cohérence formelle dans la réalisation par l’emploi de techniques et une présentation homogènes, par le développement d’un thème plastique simple qui structure l’ensemble présenté ici.

Le thème lui-même est lisible à deux niveaux, mais il importe essentiellement comme signe plastique. La signification, seconde, reste accessoire, anecdotique.

Des traits noirs épais découpent la surface régulièrement, mécaniquement : tel est le thème fondamental. Ce procédé de fragmentation a déjà été utilisé, en bande dessinée par exemple par l’italien Guido Crepax. A la disposition régulière et traditionnelle des vignettes, il substitue l’unité de la page compartimentée par un découpage narratif.

Quoique secondaire, une signification sollicite l’esprit : des barreaux. D’où l’idée de prison. Une obsession d’enfermement. Prison physique ou prison morale, ou mentale, ou encore par une transformation de ce thème de base, la fenêtre : cadres blancs articulés sur les côtés de certains assemblages. Fenêtres ouvertes ou fermées sur nulle image : sur une impression colorée dans laquelle se cristallise peut-être un sentiment.
Mais là encore, sentiment, fenêtre, barreaux, prison ne sont que des béquilles. L’essentiel est ailleurs : l’œil voudrait jouir de ce que fait la main, sans la trahir, et comme elle, se faire en faisant.

S’interroger sur le pourquoi et le comment d’une pratique plastique, celle de Yves PICQUET, ne livre que des béquilles. L’œuvre demeure, moins étrangère dans ses circonstances, mais coriace, irréductible dans son silence.
PRISON(S) n’est pas une annonce, un manifeste, une dénonciation. C’est une réalité, un objet plastique, avec ses lois, son poids propres. Un univers qui nous fait en se faisant, quoique ne disant rien, qui n’explique ni ne montre, un bloc compact dans lequel est pulsée une vie indicible dont toutes les inflexions contestent le carcan de la structure externe.

Art de silence.

Jean PICQUET, Tours, 4 novembre 1981

Rennes, 1982

Photo : Yves Picquet

PRISON(S)
Petite série des Prison(s) dont le titre renvoie sans pathos, selon les mots de l’artiste, au motif formel de la grille : elle explore déjà le recouvrement, très présent dans le travail d’Yves Picquet, qui déploie en all over des lignes et des blocs aux contours souples. Les jeux de transparence et de grattage laissent fuser la lumière, loin derrière, et comme en sérigraphie, les couches inférieures viennent moduler les couches supérieures. Le dispositif de présentation est singulier : la toile est tendue à l’envers des châssis, dont certains sont articulés, munis d’extensions manipulables par le spectateur. Écho d’une époque peuplée d’œuvres manifestes : on pense derechef à Support(s)/Surface(s), et plus particulièrement ici à Daniel Dezeuze, qui troque le châssis contre une armature souple, et le plan fixe contre une géométrie variable, où la transparence de la grille remplace l’opacité de la toile. Passage du plan au volume, captation de l’espace alentour : cette série pressent d’autres œuvres hybrides d’Yves Picquet, entre sculpture et peinture.

Extrait du texte «Yves Picquet, traces de peinture» de Eva Prouteau, septembre 2015