Jean-Paul Thaéron
Pour Jean-Paul Thaéron, à la fois peintre et sculpteur, ces deux domaines d’expression se rejoignent dans une conception de l’espace où la peinture apparaît découpée en masse, le dessin et la couleur traités par le volume. Il a notamment construit de grands signes/personnages colorés destinés à s’inscrire dans l’espace public. Plus récemment, Thaéron a décliné, de manière sérielle, des formes s’apparentant à celles du monde végétal, modelées parfois avec des dégradés d’ombres et de lumières, provoquant des effets de profondeur. Leur mise en espace est généralement très franche et frontale. La planéité des fonds les fait parfois apparaître comme des signes. Il intégrera par la suite des variations de couleurs induisant des qualités de matière, de volume, de lumière cristallisée. Dans tous les cas, il ne s’agit pas, pour lui, de rendre de telles formes explicitement identifiables, mais d’aller jusqu’au bout d’une structure choisie, ce qui permet la répétition sérielle, un peu comme les variations que l’on observe dans le milieu naturel, avec toutes les variantes d’écorces, de crosses de fougère….
Même si certaines allusions à la mythologie ou à des récits préexistants ne sont pas nécessairement exclues, son propos n’est pas de décrire, mais de construire un tableau en les additionnant, un peu comme dans les planches encyclopédiques ou les inventaires. Dans la façon dont les formes sont soumises à toute sortes de métamorphoses, on peut déceler l’écho de la philosophie celtique et l’idée de cycle. Les œuvres invitent le spectateur à déambuler, observer comment un même élément peut être présenté sous de multiples facettes, faire l’objet de zooms, comme s’il était amené à se déplacer, de toile en toile, à l’intérieur d’un territoire donné, où courbes et structures de nature plus géométriques, notamment rectangulaire, se conjuguent. « …Ces grands espaces semblent nous échapper… Dans cet univers onirique où chaque élément participe à sa manière à une odyssée improbable, nous ne parvenons pas à trouver un sol stable. Tout flotte dans ce magma coloré. Des rochers impressionnants se transforment en étoiles de mer mouvantes, bannières et pavois gisent ou se déploient sur fonds de ciels ou d’abysses incertains », produisant des espaces de représentation tantôt fragmentés, tantôt recomposées.
Les premières tentatives de Thaéron pour rejoindre le domaine de la sculpture consistaient en des structures métalliques enrubannées, murales tout d’abord, des volumes torsadés qui représentaient une manière, pour lui, de voir comment une ligne pouvait devenir volume, masse. Plus récemment, il a réalisé des sculptures en surfaces planes assemblées, en contreplaqué ou en aluminium, recouvertes de couches unies de couleurs, aux formes anguleuses, élancées, jouant avec le vide des espaces environnants. Avec leurs volutes souples, leurs hampes qui donnent une impression de légèreté, elles prennent l’aspect d’une sorte d’écriture signalétique, de calligraphie et, disposées dans des espaces publics, ont également un caractère ludique.
Jean-Yves Bosseur, La Bretagne et les arts plastiques contemporains, éditions du Layeur, 2012