Œuvres avant 2000
Architecture intérieure, 2000
Tôle ondulée galvanisée sur structure fer, métal déployé sur structure fer, gravure sur altuglass, appartement F2 Galerie Interface, Dijon
Photo : DR
Pour la galerie Interface, j’ai conçu une intervention qui met en relation l’espace physique de l’appartement et une projection possible de cet espace sur le mental d’un individu. Dans l’entrée à gauche, un couloir grillagé part à 60 cm du mur et pénètre en ligne droite dans la chambre, qu’il traverse pour s’arrêter à 50 cm du mur du fond. Le couloir épouse parfaitement la forme de la porte qui a disparue; c’est maintenant le parcours obligé pour aller et venir de la chambre au reste de l’appartement. Il obstrue en outre l’entrée de la salle de bain. Dans le salon, un autre couloir, en tôle ondulée celui-là, encadre la fenêtre et se projette sur le mur d’en face, coupant ainsi la pièce en deux. Il est surélevé à 70 cm du sol, on peut donc y accéder par en dessous. Sur un des murs de la cuisine, un plan gravé sur altuglas représente la nouvelle configuration de l’appartement. Ces constructions métalliques semblent avoir une fonction précise tant elles collent au lieu. Mais tout en permettant une lecture accrue de certains éléments de l’architecture -portes, fenêtre, couloir, lumière- elles contraignent le corps dans ses déplacements et limitent l’utilisation de ces éléments. Par cette intrusion, l’appartement n’est plus à habiter mais à parcourir. On ne peut donc plus restreindre l’œuvre aux deux pièces décrites ci-dessus, mais à l’instar du nouveau plan des lieux, qui ne différencie pas la structure existante de l’agencement rapporté, on considèrera désormais en tant qu’œuvre l’appartement tout entier.
Jean-Marc Nicolas
Haute Sécurité, 1998
Tôle ondulée galvanisée sur ossature bois, 3 modules 150 x 150 x 150 cm chaque, 3 caméras de video-surveillance, 3 moniteurs, 1 table, fenêtres, porte
Le Grand Cordel, Rennes.
Photo : Benoît Sicat / Le Grand Cordel, Rennes
Sans titre, 1998
22 cuves en béton, 200 x 90 x 50 cm chaque, échelles en fer, 720m²
D’une manière générale, le travail de JM Nicolas traite d’architecture, d’occupation d’espaces et du mouvement particulier que celà impose aux corps, ainsi que la projection possible de ces espaces sur le mental d’un individu. Pour Art et Nature, JM Nicolas a conçu un espace pénétrable en grillage de dix mètres de diamètre, déroulé selon des circonvolutions qui ne sont pas sans rappeler celles du cerveau.
L’effet d’optique créé par la superposition des trames grillagées ainsi que le lacis tortueux du parcours évoquent la profusion végétale et l’angoisse de l’égarement de celui qui y pénètre. Ici la forêt devient une cage, on s’y perd et on y reste.
Tel peut-il en être aussi de l’esprit.
On ne regarde pas le travail de Jean-Marc NICOLAS, on le parcourt, on l’expérimente, on s’y perdrait peut-être. L’orchestration des éléments qui le constituent, la diversité des dimensions formelles et interprétatives qui assurent son fonctionnement rendraient toute tentative d’appréhension globale imparfaite parce qu’incomplète. En effet, sous l’apparence massive et statique des pièces proposées, c’est au mouvement, à l’expérience dynamique que l’artiste nous convie pour que nous nous confrontions à notre vide ontologique, à l’absurde inhérent à notre condition, au questionnement singulier que chacun porte en soi. Le tunnel exposé au centre d’art passerelle à Brest en 1997, par delà son inscription dans un lieu défini, intimait au visiteur l’expérience du passage.
Le volume monumental sous le “Puits de lumière” au Triangle à Rennes en 1992 requerrait qu’il se déplace pour recomposer la pièce par la somme de visions fragmentaires.
Avec l’installation que nous découvrons aujourd’hui, Jean-Marc NICOLAS reprend ces thèmes récurrents et y ajoute de nouvelles variations. Par la mise en place d’une vingtaine de cuves en ciment composant par des superpositions variables, des modules différents, il construit un espace suffisamment vaste pour que le visiteur s’y promène et expérimente chacun des éléments qui le constituent, de l’extérieur et de l’intérieur, et chacun des points de vue qui se donnent à voir. Des échelles relient certains de ces modules entre eux, d’autres permettent d’y accéder, d’autres semblent en proportion démesurément grandes et superflues. Cet assemblage d’éléments à la fois différents dans leur disposition et proches par leur composition pourrait évoquer un complexe d’habitation, n’étaient leurs dimensions tout juste capables de contenir un homme, et les contraintes qu’elles impliquent. Simple et déconcertante, composite et lourde de tant d’absence, cette installation interroge notre perception, nous pousse à une investigation physique et mentale des choses et des lieux et nous renvoie à nous-mêmes pour y saisir notre place. Mais comme dans un jeu de piste, Jean-Marc NICOLAS multiplie les fléchages et nous assiste dans notre entreprise. Il nous rappelle notamment ces valeurs à la fois opposées et complémentaires que sont l’horizontalité lourde et structurée et la verticalité suggestive et légère, la clôture et l’ouverture, le matériau brut et commun et le vide inquiétant, la déambulation et l’appel du réceptacle.
Comme dans un site antique, je me promène et me regarde, je louvoie et me fourvoie dans mon humaine dimension.
F. Neuville
Passage, 1993
Béton, 192 x 200 x 50 cm Hall d'accueil du Triangle, Rennes
Puits de lumière, 1993
Bois, chaux, 290 x 160 x 220 cm Hall d'accueil du Triangle, Rennes
Photo : Alain Roux / Le Triangle, Rennes
Sans titre, 1996
Bois, tôle ondulée galvanisée, 160 x 180 x 120 cm, échelle fer 500 x 40 cm
Exposition Collective Local Heros, la Criée, centre d'art, Rennes
Sans titre, 1996
Bois, tôle ondulée galvanisée, 160 x 180 x 120 cm, échelle fer 500 x 40 cm
Exposition Collective Local Heros, la Criée, centre d'art, Rennes
Sans titre, 1997
Bois, tôle goudronée, 100 x 90 x 200 cm, échelle fer, 500 x 40 cm
Passerelle, Centre d'art contemporain passerelle, Brest
Mur, 1997
Médium, échelons métaliques, 206 x 40 x 300 cm
Passerelle, Centre d'art contemporain passerelle, Brest
Sans titre, 1997
Pin, 5 modules superposés 210 x 60 x 60 cm chaque
Passerelle, Centre d'art contemporain passerelle, Brest
Tunnel, 1997
Médium, 1600 x 120 x 90 cm, pièce aveugle plafond bleu
Passerelle, Centre d'art contemporain passerelle, Brest
On pourrait dire que les sculptures de JM Nicolas constituent des obstacles que le visiteur choisira de contourner ou d’expérimenter. Obstacles non agressifs cependant et qui proposent même pour mieux les définir, les comprendre, des indices, une manière de les appréhender. Bien que bruts, les matériaux utilisés ne sont jamais froids, il en émane au contraire une certaine douceur invitant au contact. Les dimensions quant à elles sont définies de façon à ce que l’on ne se sente jamais écrasé voire repoussé par les volumes en présence. (L’homme est l’unité de mesure de ces constructions). En outre, par le jeu grahique étudié alliant des successions de mêmes éléments (barreaux, échelons, pilotis) avec un rythme linéaire (juxtapositions de planches, tôles ondulées, échelles) JM Nicolas confère à chaque pièce une dynamique différente. Il en résulte que le visiteur, appelé à grimper, explorer, reposer, prend leur mesure en les pratiquant à la fois physiquement et mentalement et découvre leur sens dans les limites qu’elles contiennent.
Enfin, ces sculptures ont été réalisées ou choisies de façon à s’intégrer parfaitement dans les espaces qui les accueillent. Le dialogue des constructions et des lieux dans lesquels elles s’intègrent permettra une approche plus naturelle et une compréhension plus intime voire plus complexe. En effet, quelles constatations fera t-on? Le tunnel ne traverse ni ne rejoint quoi que ce soit, le ponton ne conduit qu’à un igloo impénétrable, les échelons ne permettent pas à l’évidence de faire le mur. L’invitation à l’expérience serait alors du domaine de l’absurde, ne convierait le visiteur qu’au risque inutile, à l’effort non récompensé, à la frustration.
Cette situation s’avère alors une métaphore de la condition de l’homme encouragé à grandir et à s’illusionner d’un toujours mieux, finalement contraint de rester au pied des choses, à leurs limites, dubitatif quant à leurs sens respectifs.
Texte de présentation de l’exposition a Passerelle, Centre d’art contemporain passerelle, Brest, 1997
F Neuville et J-M Nicolas