Guillaume
Pinard

06.09.2023

La Raccoon Academy

Exposition à L'Artothèque, Espaces d’art contemporain à Caen, 2020
Arlequin, 2019
Acrylique sur toile, 120 x 120 cm
Cadavre exquis, 2020
Acrylique sur Toile, 120 x 120 cm
Chardinal, 2020
Acrylique sur toile, 70 x 70 cm
Elles arrivent !, 2020
Acrylique sur toile, 60 x 60 cm
God, 2020
Acrylique sur toile, 120 x 120 cm
L’ourson bleu, 2019
Acrylique sur toile, 70 x 70 cm
La tétée, 2019
Acrylique sur toile, 65 x 54 cm
Médiathèque, 2019
Acrylique sur toile, 40 x 40 cm
Vous êtes ici, 2020
Acrylique sur toile, 60 x 60 cm
Yaaa !, 2020
Acrylique sur toile, 120 x 120 cm

Photos : Guillaume Pinard
Guillaume Pinard © Adagp, Paris

La Raccoon Academy

Guillaume Pinard, né à Nantes en 1971, vit et travaille à Rennes. Il développe une œuvre polymorphe, où le dessin, la peinture et l’écriture tiennent une grande part. Artiste doté d’un riche vocabulaire graphique, il scrute avec une douce ironie les occurrences et les significations cachées dans toutes les formes de discours, en cherchant à vicier les hiérarchies. 

Pour ce projet, Guillaume Pinard se met plus que de mesure en scène. Il est la daronne d’une nouvelle série d’images, où se croisent hommages à de vieilles idoles, cinéphilie, recours à la grande peinture et paysages de l’étrange. À l’instar du raton laveur, animal totem de sa Raccoon Academy, l’exposition se veut joviale et facétieuse, délicate et irrévérencieuse, aimable mais grinçante, l’artiste oscillant comme à son habitude entre les genres, basculant sans vergogne du prosaïsme à la grande référence, de la tradition picturale aux clins d’œil multiples du quotidien. 

Gros lecteur, observateur boulimique des phénomènes du monde, technicien hors pair, à l’aise dans tous les styles, il s’imagine pure générateur d’images, recyclant sans jugement excessif – La Raccoon Academy n’évalue pas la qualité de ses pensionnaires– les items débordants du grand flux contemporain. L’ensemble a cette part de mystère et d’étrange, incompressible à toute assimilation, qui rend durable l’effet produit par ses peintures sur le visiteur. Nous pourrions bien sûr nous amuser à re-décortiquer le jeu des influences et l’origine des « déjà vues ». La mission est longue et un peu veine. Disons que La Raccoon Academy vit essentiellement de rapine, et que dans cette histoire de larcins, l’origine du vol vaut moins que l’invention produite par les télescopages.

Guillaume Pinard a choisi de nous balader au sein de ses images, dans un espace entièrement remodelé à sa demande.  Pour l’Artothèque, il a ainsi atomisé la lecture panoramique habituelle de la salle d’exposition, la morcelant en trois espaces séparés par de grandes cimaises. Chaque nouvelle salle est pensée comme le chapitre d’un hypothétique livre d’images, jouant à la surface des murs comme sur une page blanche, des effets de trame, d’agrandissement, de transformation colorimétrique, alternant, non sans ambiguïtés, l’image réelle et sa reproduction. Si les peintures, la plupart inédites et produites récemment par l’artiste, ne répondent pas à un programme – la Raccoon Academy étant ici plus un prétexte à assembler des œuvres qu’un réel ensemble constitué – la mise en relation n’en a pas moins fait l’objet d’une attention particulière avant et pendant l’accrochage. Il a ainsi mis un soin tout minutieux à imaginer les connexions entre les œuvres elles-mêmes, allant jusqu’à modéliser l’espace de la galerie pour tester à distance leurs articulations. Installé sur une ligne basse centrale d’1m40, elles courent le long des murs, à bonne hauteur du regard. La Raccoon Academy est cachée au fond d’un trou.C’est dit. L’accrochage confère à l’ensemble une dimension presque muséale. Ici, pas de provocation excessive, pas d’élan de destruction, le morbide et le sexuel, pourtant commun à son travail, y prenant une pose plus hiératique. Loin d’atténuer la force de son discours, l’installation choisie met en avant, sans être démonstrative, la diversité technique et thématique de son auteur, dans un rapport presque de maturité avec sa pratique et contre l’agitation excessif de ses sujets.

Si La Raccoon Academy n’a pas d’histoire, elle a pourtant bien un espace, et c’est lui, imaginé comme une aire de jeu, qui offre le véritable terrain de construction de l’ensemble du programme. Si l’artiste est d’abord un dessinateur, il envisage toujours son medium dans une diversité de formes et d’intentions que le champ de l’exposition assemble et rend homogène. Mieux que personne, il offre du relief à ses productions, les connectant entre elles dans un espace voulu, pour les ouvrir non pas à une narration, mais à toutes les lectures. C’est cette capacité à agrandir et décloisonner tous les états du dessin, à en réactualiser les sujets, les supports et les contours, qui fait de la Raccoon Academy une aire d’invention et de liberté sans pareil, un programme libre pour l’image et son interprétation…

Yvan Poulain