Francesco
Finizio

Go Ghost!

Exposition personnelle au Frac Bretagne, Rennes, du 12.02 au 19.09.21
Go Ghost!, 2021
Documentation filmée de l’exposition.
Réalisation : La Plage Production
À travers une esthétique « fait-main » et une approche spontanée pleine d’humour et d’ironie, Francesco Finizio développe une pratique basée sur l’observation d’incidents et de phénomènes qui interrogent autant les notions de transaction et de valeur, que de signification de nos constructions culturelles. Ses installations sont à la fois des modèles et des événements. Ainsi la représentation d’espaces planifiés pour des activités commerciales, pour l’habitat, l’exposition, la construction, l’archivage ou encore le travail, ont un aspect programmatique qui permet de spéculer activement sur les usages, les statuts et les sentiments que ces espaces cultivent. Pour plus d’informations sur l’exposition consultez le site du Frac Bretagne

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Vues de l’exposition Go Ghost!
Photo : Frac Bretagne © Aurélien Mole.

Pour introduire son exposition au Frac Bretagne, l’artiste prend la parole. Poétique dans la forme, proche du slam dans ses sonorités, son texte ci-dessous se veut à la fois prise de position et amorce narrative.

Une bête balancée dans un espace vide, un champ ou une cage
Se précipitera vers le coin
Un espace vide s’annonce.
Froid et sombre.
Un interrupteur niché discrètement
Permet de s’exercer
À jouer au maître du jour et de la nuit.
Extinction. Allumage. Cool white. Un blanc béant.
w O mb
r OO m
t O mb
C’est-à-dire le ventre (maternel), l’antre, et le tombeau en anglais
Partagent une voyelle
Qui fait O-ffice d’O-uverture
Qui sonne pareil mais se dédouble dans le mot “room”
Pour indiquer un va et vient peut-être,
Que l’on puisse entrer et sortir à son gré
“Every day I push the broom across the room to make some room for the next day.” (“Chaque jour je balaie la place pour faire de la place pour le jour qui suit”)
Un espace est bien plus que le jeu de ses murs, de son sol et son plafond, de ses portes et ses fenêtres
Un espace devient ce qu’il est selon ce que tu y mets, comment tu organises les choses, leurs qualités respectives.
Comme démontré si bien par Martin Kippenberger dans “The happy end of Kafka’s America”
Comme le montre mon travail “How I went In and out of Business for seven Days and Seven Nights”
Je m’intéresse aux espaces qui se construisent depuis l’intérieur plutôt que d’en haut
L’exploration spatiale commence au bout des doigts
Je m’intéresse à l’espace pluriel et mobile. Il a lieu, est et a été.
Je m’intéresse au moment où une chose devient plusieurs.
Les contours se floutent. Les formes se meuvent.
On divague précisément, porté par le battement incontrôlable d’une paupière.
La tyrannie linguistique des marchandises nous enseigne qu’une table est une table est peut-être une table à manger mais n’est certainement ni un bureau ni un établi
Une table est aussi un lit, un abri, un radeau, un bouclier, un table-au
C’était ça l’idée derrière mon expo ARKPARKCRAFTRAFTCLINICLUBPUB à MOBY, Bat Yam, Israël
Où le vaisseau qu’est le batmen même devenait tous ces espaces à la fois.
Il faut mettre les noms de côté pour expérimenter les choses à nouveau.
Le langage a besoin d’épaississants pour que les mots se gardent plus longtemps en bouche
Il faut remettre le pâteux dans la poésie.
Que c’est triste de voir une chaise réduite à un ensemble de représentations logocentriques.
Alors qu’on pourrait penser les choses par affect tel pose cul plume
“Jam Econo” comme chantaient les Minutemen.
Faire avec des marteaux à la place des mains.
Opposer le gauchisme de deux mains gauches au pouce qui s’impose par opposition
S’abrutir pour faire connaissance des choses, les aider à parler d’elles mêmes
Lo-fi semper fi : les coquillages font bien office de cellulaires
Le prototypage rapide basse-res laisse l’imagination libre de penser et peser le meilleur et le pire.
Finir est plus loin que je souhaite aller.
Pratiquer la corde raide des bouts de ficelles
Organiser, désorganiser, confondre et inconfort.

GO GHOST !!!

Les fantômes ne fabriquent point. Ils font bouger les choses.
Ils font trembler les vitres et les murs, deplacent meubles et objets, secouent la maison et tout ce qu’il y a dedans…
Ils provoquent rencontres et collisions, squattent les corps comme des voyous s’emparent d’une caisse pour une virée nocturne…ils les possèdent
Pour ainsi dire – de la ventriloquie
Mon économie est celle du comique de stand-up
Un verre d’eau et un micro, peut-être un tabouret pour quand le verre fatigue.
La condition du comique de stand-up n’est pas sans ressembler à celle de l’anachorète : on bosse son truc, spartiate et solitaire
Bunuel l’a exploré avec son Simon du Desert.
Les dépenses sont minimes, le stockage n’est pas un souci.
Une économie stand-up
Je me rappelle une prof aux beaux-arts qui nous reprochait nos boutades
Crimes abjects à ses yeux
Mais si tes boutades sont bonnes et tu arrives à en aligner plusieurs, tu auras vite ton répertoire
Et peut-être que cela te permettra de dire plus que ton auteur américain moyen dans un pavé de six cent pages. *

* Ce texte est une traduction de la versio anglaise ci-dessous.




An animal tossed into an empty space, a field or cage
Will quickly make for the corner.
A space, empty to start.
Cold and dark.
A switch discretely niched
To play master of night and day.
On-off. Cool white. Big blank.
w O mb
r OO m
t O mb
All share the same vowel
An O-pening of sorts
Though pronounced the same
only once does that “O” O-ccur twice.
Implying perhaps a tO and frO That you may cOme and gO As you please
A good room has its ins and outs
“Every day I push the broom across the room to make some room for the next day.”
A space is more than its interplay of walls windows and doors.
A space becomes what it is according to what you put inside it, how you arrange those things and their respective qualities.
As Martin Kippenberger beautifully demonstrated with “The happy end of Kafka’s America”
As is visible in my work “How I went In and out of Business for seven Days and Seven Nights”
I’m interested in spaces that take shape from within rather than above.
Space exploration starts at your fingertips.
I’m interested in space as plural and mobile. It happens. Is and was.
I’m looking for the point or moment where one thing becomes several.
Contours become blurred, logic fuzzy
Oscillate IS the steady state. Shapes shift.
Identity takes a hit…
(Put a dent in your “I” !)
The linguistic tyranny of commodities teaches us that a table is a table is maybe a dinner table but is certainly not a desk or workbench.
A table is also a bed, a shelter, a boat, a shield, a table-au
This was the idea behind the title of my exhibition ARKPARKCRAFTRAFTCLINICLUBPUB at MOBY, Bat Yam, Israel
Where the vessel that is the museum building became all those spaces at once.
Names must be tossed aside to feel things fresh
Language needs thickening : put the putty back in poettry (sic).
How sad for a chair to be reduced to a set of logocentric representations.
When we could think things affects such as “sit ass silent softly”
“Jam Econo” as the Minutemen put it.
Make with Hammers for Hands. An art of heart and parts.
Oppose the all-thumbs to the opposable thumb.
Dumb down enjoy the low life and help things help themselves.
Lo-fi semper fi : sea shells can do cell phones.
Low-res rapid proto leaves the imagination free to ponder both the best and the worst.
Finishing is farther than I need to go.
Walk shoestring budgets.
Arrange, rearrange disrupt and derange.

GO GHOST !!!

Ghosts don’t make things. They move things.
They rattle windows and walls, sling furniture and hurl objects, shake the house and all inside…
They trigger encounters and collisions, squat bodies like thieves do cars for joyrides…take possession of them so to speak – ventriloquy.
My economy is the stand-up comic’s.
A glass of water and a microphone, maybe a stool for when the glass gets tired.
The stand-up comic’s condition is not unlike that of the early Christian hermit: each works his schtick spartan and lonely.
Bunuel tapped into this with Simon of the Desert
Overhead is minimal and storage isn’t an issue.
A stand up economy.
I remember a teacher back in art school scolding us for our one-liners,
As if each time we’d committed a shamefully stupid crime.
But if your one liners are good and you can line a few up, you start to have material.
And maybe in those few lines you can say more than your average American author in a six hundred page book.