Clémence
Estève

15.05.2023

Comme un retard avec Nikolay

Atelier Pernod Ricard, Villa Vassillieff, invitation de Nikolay Smirnov, 2019
Co-production Villa Vassilieff

15 couvertures de déménagement, dessins craie et acrylique, archives imprimées de Nikolay Smirnov, simili cuir, mousse, structure en métal. 200 x 320 cm

Activation / performance par Nikolay Smirnov.

Photos : Clémence Estève

Montages numérique, étape préparatoire de travail, Comme un retard avec Nikolay

Stolen, hidden and retur­ned. Montages et assemblages à partir des archives de Nikolay Smirnov. Images imprimées faisant partie de l'installation : Comme un retard avec Nikolay.

« Entre 1926 et 1929, Paris et Clamart repré­sen­tent un pôle majeur de l’Eurasianisme, concen­trant les acti­vi­tés d’édition et de dis­tri­bu­tion de livres, pam­phlets, tracts et jour­naux. L’Eurasianisme est un mou­ve­ment intel­lec­tuel qui sou­tient la révo­lu­tion de 1917 et l’Union sovié­ti­que, défi­nis­sant sa doc­trine comme une « seconde idéo­lo­gie sovié­ti­que ». En 1926, l’exilé russe Leo Karsavin fonda le sémi­naire eura­sia­niste à Clamart, près de Paris. Ses diri­geants, les émigrés russes Petr P. Suvchinsky, Lev P. Karsavin, Dmitry P. Sviatopolk-Mirsky, ont déve­loppé l’Eurasianisme marxiste comme un com­mu­nisme situé (en Russe, mesto-raz­vi­tie, concept eura­sia­niste affir­mant un lien étroit entre le lieu, le pay­sage et la société). Les Eurasianistes de gauche ont publié 35 numé­ros d’Eurasia à Paris, où ils déve­lop­pent des points de vues ori­gi­naux sur la révo­lu­tion, le socia­lisme, le marxisme, la reli­gion, le jeune État sovié­ti­que, sa culture et sa phi­lo­so­phie en dia­lo­gue avec d’autres forces poli­ti­ques émigrées.
Je veux enquê­ter sur le contexte fran­çais et pari­sien pour créer un musée spé­cu­la­tif de l’Eurasianisme de gauche, pour repré­sen­ter les contra­dic­tions du mou­ve­ment, ses acti­vi­tés les plus pro­blé­ma­ti­ques notam­ment en lien avec les ser­vi­ces secrets sovié­ti­ques, les connexions méta-géo­gra­phi­ques entre les pay­sa­ges de Paris et de Clamart et l’Eurasianisme de gauche, à partir de pers­pec­ti­ves his­to­ri­ques et contem­po­rai­nes. En effet, je pense qu’il peut être très fécond de s’inté­res­ser à l’Eurasianisme comme à une acti­vité artis­ti­que radi­cale.

Les idées des Eurasianistes réson­nent avec des ques­tion­ne­ments contem­po­rains. Ils ont amorcé un dis­cours sur le post-colo­nia­lisme, ont condamné l’euro­cen­trisme et initié la réha­bi­li­ta­tion des cultu­res non-euro­péen­nes, dans l’idée de nouer un dia­lo­gue non-glo­ba­li­sant entres les cultu­res. Et, bien sûr, c’est un « pro­duit de l’exil russe », une idée née dans une connexion méta-géo­gra­phi­que entre la Russie et Paris, Clamart. »

Nikolay Smirnov (né en 1982) est un artiste, géo­gra­phe, com­mis­saire et cher­cheur. Il tra­vaille sur les repré­sen­ta­tions de l’espace dans l’art, la science, les pra­ti­ques muséa­les et la vie quo­ti­dienne. Il a récem­ment déve­loppé le concept de géo­gra­phie spé­cu­la­tive en tant qu’outil d’étude spa­tiale.

Il est diplômé de la Rodchenko Art School, du Département de Géographie de l’Université d’Etat de Moscou, et de l’Institut d’Art Contemporain MMOMA (Musée d’Art Moderne de Moscou). Co-com­mis­saire des pro­jets Metageography et Permafrost (Arctic Biennale, Yakutsk, 2016), Nikolay Smirnov a été sélec­tionné pour the Innovation Award for a Curatorial Project(prix d’inno­va­tion pour un projet cura­to­rial).

Dans le cadre de son projet “Left wing Eurasian project” et à l’occasion de la troisième partie de sa résidence à la Villa Vassilief - Pernod Ricard Fellowship, l’auteur Nikolay Smirnov a invité 5 artistes à composer librement à partir des éléments de sa recherche. La nature de chaque réponse varie et résulte d’un échange nourri pendant plusieurs semaines avec les intérêts philosophiques et politiques de Nikolay Smirnov.