Bruno
Peinado

22.05.2017

L'écho / Ce qui sépare

Frac des Pays de la Loire
Exposition en deux volets au Frac des Pays de la Loire, Carquefou,
et à la Hab Galerie à Nantes, 2014

Vues de l'exposition L'écho / Ce qui sépare, Frac des Pays de la Loire, 2014.
Photo : Marc Domage / Bruno Peinado © Adagp, Paris

> Artistes Invités :

Pierre Budet, Sarah Tritz, Camille Tsvethoukine, Bastien Aubry et Dimitri Broquard, Anne Bregeaut, Adrien Guillet, Gaillard & Claude, Joey Villemont, Erwan Mével, Camille Girard et Paul Brunet, Tony Regazzoni, Dominique A, Pierre Giquel, Romain Bobichon, Florence Doléac, Samir Mougas, Dana Michel, Yoan Sorin, Bevis Martin et Charlie Youle, Benoit-Marie Moriceau, Sylvain Rousseau, Virginie Barré, David de Tscharner, Eluma Sossore, Antoine Dorotte, Florence Paradeis, Pierre Budet, Gaëtan Chataigner, Joséphine Peinado-Barré, Briac Leprêtre, Jean Marie Appriou, Bruno Peinado, Florent Gilbert, Estelle Deschamp, Caroline Queguiner, Arnaud Rochard, Blaise Parmentier, Julien Gorgeart, Cledat & Petitpierre, Joachim Monvoisin, Simone Peinado-Barré, Fabio Viscogliosi, Piero Gilardi, Florian Sumi, Présence Panchounette, Hippolyte Hentgen, Julien Nédélec, Morgane Fourey, Pablo Cots, Yann Sérandour, Laurent Le Deunff.

> et en dialogue au Frac des Pays de la Loire avec les œuvres de la collection :

Jean Michel Alberola, John Armleder, Michel Blais, Etienne Bossut, Claire Fontaine, Jean Clareboudt, Koenraad Dedobbeleer, Daniel Dewar & Gregory Gicquel, Hubert Duprat, Jimmie Durham, Christelle Familiari, Geoffrey Farmer, Hans Peter Feldmann, Peter Fischli & David Weiss, Barry Flanagan, Bernard Frize, Gerard Gasiorowoski, Karim Ghelloussi, Fabrice Hyber, Guillaume Janot, Ann Veronica Janssens, Karen Knorr, Gabriel Kuri, Robert Malaval, Allan McCollum, Bernard Pagès, Guillaume Paris, Emmanuel Pereire, Patrick Raynaud, Yves Reynier, Martha Rosler, Bojan Sarcevic, Ernesto Sartori, Peter Saul, Patrick Van Caeckenberg, Jean Luc Verna, Gary Webb, James Welling, Donelle Woolford.

Télécharger la feuille de salle de l'exposition

Voir le volet de l'exposition L'écho / ce qui sépare à la HAB galerie

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir. »
Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre (1961)

Sur une double invitation de Laurence Gateau, Directrice du Frac, L’écho / Ce qui sépare1 , est une exposition en deux volets au Frac des Pays de Loire et à la Hab Galerie à Nantes qui propose de penser à la fois une exposition personnelle et un commissariat à partir de la collection des œuvres du Frac. Une belle invitation pour laquelle j’ai désiré ajouter un troisième régime, De la musique avant toute chose et pour cela préfère l’impair2, et d’inviter à mon tour de jeunes artistes et des anciens étudiants que j’ai pu avoir à l’école des Beaux-Arts de Quimper. Les notions d’exposition personnelle et d’exposition collective sont ici intimement liées et abordées depuis deux partis pris. L’écho / Ce qui sépare se pense à partir de deux postulats, une proposition à la Hab Galerie et une contreproposition au Frac.
L’autorité du commissaire est mise à mal par cette contradiction. Peut-être est ce là une possibilité pour un artiste de faire un travail de commissaire et de tenter d’ouvrir une troisième voie comme une invite à composer selon ses désirs. Là aussi encore un impair Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose2 à mettre en perspective.
L’écho / Ce qui sépare sont deux propositions qui semblent s’opposer, mais elles rassemblent dans deux lieux des résonances à des pratiques artistiques reliées par des influences communes.

Ce qui sépare et ce qui fait écho seraient les reflets d’un monde où la complexité se donne autant par la simultanéité et la proximité que par les désirs de tables rases et de ruptures des avant-gardes. Les deux propositions se chahutent et restent ouvertes, il n’y a pas de mot d’ordre, les jeux ne sont pas faits, les choix restent à faire, les œuvres se donnent dans un maillage visuel et sémantique ouvert.
La notion d’écho travaillée à la Hab Galerie aborde par un choix très resserré de pièces noires et blanches, les questions liées au post colonialisme, à la dialectique, au camouflage, au binaire, à une certaine génération d’artistes, des échos à une scène musicale ainsi que diverses pratiques qui questionnent l’héritage des avant-gardes, les mythes, l’engagement et les permanences des luttes des modernisés. Cette partie de l’exposition, au programme assez chargé, prend le parti de ne rien nommer frontalement. Toutes ces notions et bien d’autres encore sont mises en réverbération par les pièces exposées bien plus que manifestées. Les glissements de sens ouvrent un imaginaire commun d’une pièce à l’autres en suggèrant bien plus qu’en imposant des points de vue.
L’exposition du Frac réfléchit les notions de polysémie et de propositions diverses et singulières. Les attachements à un lieu de vie, les productions et les emmêlements d’artistes passés par Nantes ainsi que des invitations faites à de jeunes artistes et d’anciens étudiants sont comme autant de signes distinctifs qui viennent enrichir la diversité de la collection du Frac. Là où l’exposition continentale de la Hab Galerie est faite de liens et de passages, de relais, celle du Frac bien plus archipelique est faite de ruptures, de distinctions et de projets atypiques.
Alors que dans l’exposition à la Hab Galerie, L’écho peut se lire de manière continentale, avec beaucoup de pièces d’artistes de toute l’Europe et de l’Afrique, des pièces qui peuvent traiter de thèmes ou d’esthétiques communes, l’exposition du Frac se donne comme un continent qui aurait éclaté en archipels. L’espace d’exposition est découpé en autant de blocs autonomes qu’il y a de pièces. Chaque proposition d’artiste est une sorte de bloc rétif aux autres propositions.
Un des axes travaillé par mes nouvelles productions parmi les pièces de la collection du Frac et celles d’artistes invités est de penser ces singularités comme autant de zones autonomes. Des socles sculptures décomposent l’espace du Frac en plusieurs espaces distincts, à la manière d’un jardin de sculptures.
Les singularités sont mises à l’honneur car malgré le fait qu’en tant qu’artistes nous nous retrouvons liés à des sources, des influences et des modes d’expression communs, nous ne pouvons être réduits à cela et l’universalité qui peut être notre désir d’échapper aux nationalismes ne doit pas nous faire oublier que « Dans le monde où je m’achemine, je me crée interminablement »3 .

Bruno Peinado

  1. L’écho et Ce qui sépare sont deux titres du premier album de Dominique A tiré à 120 exemplaires en 1992.
    Les souvenirs de ces années sont emplis des albums de Dominique A, mais aussi de Philippe Katerine et des Little Rabitts qui depuis Nantes émergeaient en même temps que notre scène artistique.
  2. Verlaine préconise l’usage des vers impairs dans son Art poétique (écrit en 1874, publié en 1882, et finalement inclus dans le recueil Jadis et Naguère, 1884) :
    « De la musique avant toute chose,
    Et pour cela préfère l’Impair
    Plus vague et plus soluble dans l’air,
    Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
  3. Frantz Fanon, Peau noire, masque blanc, 1952