Antoine
Dorotte

04.06.2015

Antoine Dorotte

Si quelqu’un un jour vous parle de faire un film d’animation avec des plaques d’eau-forte, prenez le au sérieux car il risque de vous en parler jour et nuit pendant plusieurs mois.
L’univers de l’animation a de tout temps été réservé à un groupuscule de compulsifs qui ne peuvent s’empêcher de passer des semaines à dessiner 30 secondes d’un film au rythme de 24 dessins pour une seconde. Que ce soit McLaren et ses superbes animations réunissant toutes les inventions de techniques du grattage au pastel sec, ou bien les furieux photocopieurs à la main Mrzyk et Moriceau, jamais on n’avait lancé pareille entreprise, faire un film avec des plaques de gravure. Chaque plaque nécessitant plusieurs stades d’interventions étalés sur plusieurs jours, il faudrait être masochiste pour se lancer dans un tel projet.
Mais le défi fut relevé, et « Les Caprices » de Goya, les géniales aquatintes en série furent convoquées à rencontrer la croupe sexy des Montaigu et Capulet sauce Porto-Polonaise de « West Side Story ». Ici encore l’éternel affrontement clanique se rejoue sous nos yeux, mais là ou Robert Wise et son équipe passèrent plusieurs mois à tourner la totalité du film, Antoine Dorotte jeta son dévolu sur une seule scène. Mais quelle scène… une épopée concentrée en un geste, je devrais plutôt parler d’une geste comme on le dit d’une chanson, un mouvement fugitif, rapide, éclatant comme tout mauvais coup que l’on trame depuis fort longtemps.
Il y est donc question d’Arlésienne, point de Juliette, point de Maria, Bernstein est passé sous silence, la gravure ne se donne qu’en plaques le tirage est ailleurs, seule la danse reste, un esprit de danse, ce fabuleux ballet d’une pointe sèche sur le zinc, le gracile envol d’un papillon à cran d’arrêt.
Sur un coup d’surin, ne craint pas la belle répétition des perroquets, la boucle saura vous ravir….

Bruno Peinado

+Télécharger en pdf l'article Echt it black de Hélène Dantic, paru dans Multiprise n°14, octobre 2009