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LE DESSEIN D’Y.
Ce qui traverse toute l’œuvre d’Yvan Le Bozec, et ce qui sans doute la constitue, c’est l’exploration patiente discrète et légère de ce qu’il est encore possible de réaliser sous l’appellation «art ». Être artiste, dans son cas, c’est alors tenter de constituer l’inventaire des occurrences et des possibles ; c’est décliner les hypothèses disponibles afin d’en vérifier l’éventuelle validité. Et cependant, c’est tout le contraire d’une attitude théorique dans le sens où rien n’existe dans ce contexte qui ne passe par l’expérimentation et la réalisation, fussent les plus modestes voire les plus dérisoires. L’expérience d’art de Le Bozec emprunte assez largement la voie de la peinture et du dessin, accessoirement de la vidéo et de quelques autres outils dont la mise en espace et exceptionnellement, le design. Par ces moyens, et mine de rien, il s’attaque aux grosses questions : celle du médium, et en particulier concernant l’état présent de la peinture, celle de la position de l’artiste par une conception assez personnelle de l’autoportrait, celle aussi du ton, de la tonalité particulière que revêt toute posture quand elle s’avère, au-delà des apparences auxquelles il tient, aussi globale et conséquente.
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La lettre […] survient très tôt dans sa pratique artistique, dès l’école des beaux-arts, à l’heure où, au terme des différents essayages, il faut bien adopter une manière plus personnelle, prendre position. A Quimper, il suit l’enseignement de Bernard Lamarche-Vadel et, comme ses camarades, il est frappé par cette culture entièrement au service de l’affirmation de soi et de l’engagement. Peu enclin aux résolutions solennelles et aux déclarations emphatiques, Yvan Le Bozec se met discrètement au dessin, et très vite à l’usage des lettres ; d’abord à partir de caractères typographiques trempés dans l’encre puis apposés sur le support papier, ensuite au moyen du pochoir. Peu d’œuvres aujourd’hui encore, peintures, dessins, ou papier peints, qui ne se fondent, peu ou prou, sur la présence structurante de la lettre. Et je ne parle pas pour l’instant du Y. Dès les premières peintures, en 1987-88, c’est la lettre qui en constitue à la fois le sujet et le motif, des lettres superposées qui forment un mot (illisible) comme dans Les majuscules 1 (1988), ou bien encore des syllabes qui y instaurent une dimension sonore, phonique. On les retrouve dans la série de dessins publiée en 1996 sous le titre Tous les jours à tous points de vue je vais de mieux en mieux , ainsi que dans un autre ensemble datant de 2000, tantôt accompagnant le dessin, tantôt le constituant. Car la réflexion sur le langage, pour paraître légère et amusée, n’en est pas moins réelle et rigoureuse. Et ceci en particulier, fréquent chez Le Bozec : le mot, c’est la chose, ou, pour reprendre la terminologie linguistique, signifiant (graphique et phonique ), signifié et jusqu’au référent se fondent dans une seule et même réalité et cette réalité, c’est un dessin. […]
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Ce texte a été publié dans le catalogue SI J’AVAIS SU !, Filigranes Éditions, 2004.